« Wake up America 1940-1960 » : John Lewis et Martin Luther King réunis en BD!
Auteur: Philippe MichaudRetour en enfance
L’action commence le 20 janvier 2009 à Washington. John Lewis, maintenant représentant parlementaire du cinquième district de l’État de Géorgie, doit se rendre à son bureau du congrès. Un certain président Obama doit prêter serment un peu plus tard dans la journée.
Quelques minutes après être arrivé à son bureau, une femme, avec ses enfants, y pénètre. Puis, sous l’insistance de l’un des enfants, qui se demande pourquoi il a autant de poulets dans son bureau, il se met à raconter son histoire.
John Lewis a eu une enfance modeste dans une ferme en Alabama. Ses parents étaient agriculteurs et élevaient notamment des poulets. Le jeune John s’est lié d’amitié avec ces petites bêtes qu’il considérait presque comme des membres de sa famille. Il jouait souvent au pasteur avec eux.
En juin 1951, l’un de ses oncles va l’amener en voyage aux États-Unis. Cet événement changera le cours de sa vie. Il va se rendre compte que les Noirs n’ont pas les mêmes droits que les autres hommes. Ils ne peuvent pas aller dans toutes les stations-services, des restaurants refusent de les servir et ils ne peuvent pas s’asseoir à l’avant dans l’autobus.
Préoccupé par la question, il va, quelques années plus tard, s’inscrire à une école qui forme les pasteurs et missionnaires. C’est pendant qu’il sera étudiant qu’il aura la chance de rencontrer le Dr Martin Luther King, Jr.
Cette rencontre sera capitale et va lui ouvrir les yeux. Elle changera à jamais sa philosophie. Il réalisera qu’on n’est pas forcément obligé d’employer la violence pour arriver à ses fins.
D’ailleurs, cette philosophie de la non-violence fera partie intégrante du combat des Noirs pour que cesse la discrimination. L’une de leurs premières actions d’envergure sera les fameux sit-ins, qui consistent à aller dans des restaurants ne servant pas les Noirs et de s’asseoir à leur comptoir pour commander un plat.
Un grand homme
C’est Andrew Aydin, l’attaché de presse de John Lewis, qui signe le scénario. Comme vous pouvez vous en douter, il a adopté la technique du retour en arrière. L’action alterne entre le passé et le présent. Le tout a été très bien intégré au récit. Les allers-retours dans le temps sont très peu nombreux, si bien que l’on sait toujours où nous en sommes. C’est peut-être classique, mais je ne crois pas qu’on aurait pu choisir une autre formule.
Wake up America 1940-1960 n’est pas un ouvrage qui souhaite idolâtrer John Lewis. Bien au contraire, le héros fait preuve d’une grande humilité. Même s’il occupe une fonction importante aujourd’hui, le succès ne lui a pas monté à la tête. Il n’oublie pas ses origines modestes et les durs combats qu’il a menés. C’est la définition même du grand homme.
Un récit puissant
Le sujet traité dans Wake up America 1940-1960 est, je ne vous apprends rien ici, complexe. On se doute qu’un roman graphique d’une centaine de pages ne peut dresser un portrait exhaustif du Mouvement des droits civiques aux États-Unis dans les années 50. Par contre, l’ouvrage, même s’il est assez concis, arrive à nous faire prendre conscience des inégalités flagrantes de l’époque, mais également des moyens utilisés pour les faire disparaître. On pourrait même dire qu’il réussit mieux qu’un roman traditionnel à nous faire replonger dans l’atmosphère particulière de cette époque.
Il faut dire que l’aspect graphique joue ici un rôle très important. Le dessin en noir et blanc de Nate Powell est un complément essentiel à cette biographie. Grâce à son trait fin et précis, il arrive à donner à l’œuvre un style très réaliste, sans pour autant tomber dans la froideur. On remarquera surtout le rendu des visages. C'est époustouflant!
Verdict
Wake up America 1940-1960 s’annonce déjà comme un incontournable pour tous ceux et celles qui souhaitent voir d’un autre œil le Mouvement des droits civiques ou qui désirent tout simplement en apprendre plus sur l’histoire récente des États-Unis. Bref, il s’agit d’un ouvrage à vous procurer sans détour. Et en ce mois de l’histoire des Noirs, disons que vous n’avez aucune excuse!
Cote : 4,5 étoiles sur 5
Rue de Sèvres