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C’est vrai, je ne peux pas le nier : couvrir l’industrie du jeu est passionnant et excitant. Lorsqu’on est un joueur de longue date qui adore les jeux vidéo, se plonger dans la réalité du monde journalistique et parler de ce que l’on aime est palpitant. Voir un livreur arriver avec un paquet à notre porte, c'est l'équivalent de voir le père Noël lorsqu'on est petit. J'écris sur l’industrie du jeu vidéo depuis plus de 15 ans et j'entretiens la même passion qu'à mes débuts. J’ai investi des milliers et des milliers d’heures de ma vie pour parfaire mes connaissances ainsi que pour couvrir les dimensions de ce monde que j’aime et je ne regrette aucune d’entre elles.
Lorsqu’on commence à couvrir le jeu vidéo, on le fait tout bonnement par plaisir. On écrit des nouvelles, on prend le risque d’écrire une critique d’un jeu auquel on vient de jouer et on rédige des dossiers spéciaux ainsi que des aperçus. Les heures passent et on ne s’en rend pas compte parce qu’en bout de ligne, on aime parler de ce que l’on aime.
Puis, survient le moment où on veut passer à un autre niveau, où l’on désire que notre travail soit reconnu. C’est souvent là où la dure réalité frappe de plein fouet et où on se rend compte qu’il faut avant tout être passionné, sans quoi la main de l’abandon ne tarde pas à se lever. Si on pense que couvrir les jeux, c’est simplement avoir un quelconque blogue, tout en ayant le plein soutien des compagnies très rapidement afin de couvrir l’industrie dans son entièreté pour devenir une référence, la claque au visage administrée par la réalité peut être très, très douloureuse.
Le long et pénible travail du soutien médiatique
De prime abord, avoir la reconnaissance et le soutien des firmes de jeux vidéo est un travail extrêmement long et peu gratifiant. Il faut investir des heures et des heures chaque semaine afin d’entretenir ses contacts et ne pas leur faire oublier que nous existons. Nous devons déployer des efforts d’imagination insoupçonnés pour nous vendre et leur démontrer en quoi nous nous démarquons. Des courriels ainsi que des appels, il faut en envoyer plusieurs et ne pas perdre espoir qu’un jour, nos destinataires nous répondront. En effet, bien souvent, nos demandes demeurent sans réponse ou font l'objet de répliques telles que « Vous n'avez pas un nombre assez élevé de visiteurs » ou « Vous n'êtes pas assez connu ». Ce n’est pas seulement décourageant lorsque cela nous arrive, c’est également très frustrant.
L’autre réalité que plusieurs personnes ignorent au sujet du soutien médiatique est que les firmes se parlent très peu entre elles. Lorsque vous faites affaire avec une compagnie de jeux directement, ayant son propre relationniste, c’est une chose. Mais lorsque vous travaillez avec une firme de communication représentant une compagnie de jeux, c’en est une autre. Les relationnistes changent beaucoup au sein de ces firmes et vous en serez rarement avisé.
Ainsi, du jour au lendemain, vous n’avez plus de réponse de la part de l’un de vos contacts tout simplement parce qu’il a quitté sans que vous le sachiez. Une autre personne a repris les contacts médiatiques de la compagnie de jeux, mais sans avoir eu accès aux dossiers de son ancien collègue. Si vous parvenez à obtenir le nom de ce nouveau contact, vous devez encore vous revendre et justifier en quoi vous méritez le soutien demandé. C’est long, fastidieux et pas très agréable, croyez-moi.
Quand on ne profite pas des jeux
Lorsque les gens viennent chez moi et qu’ils voient la quantité de jeux et de produits que je reçois, ils m’envient. Je ne m’en cache pas, j’adore recevoir des jeux parce que cela me permet de toucher à plusieurs genres et, en contrepartie, de parler avec plus de justesse de cette passion. Je n’aime pas le titre d’« expert en jeux vidéo », mais je peux à tout le moins dire que j’ai beaucoup d’expérience et que je sais de quoi je parle lorsque j’ai une discussion sur ce sujet. Cela est, en grande partie, dû au fait que j’ai pu essayer tant de jeux au cours des 15 dernières années.
Or, quand on veut devenir une référence et jouer au plus grand nombre de jeux possible, on ne peut pas en profiter pleinement. Être chroniqueur de jeux, c’est aussi devoir être constamment à jour et donc jouer au plus grand nombre de nouvelles parutions que l’on peut. Puisque nous avons tous ce qu’on appelle « une vie » à l’extérieur des jeux vidéo, il peut être extrêmement difficile de se tenir à jour en raison du temps que cela demande de jouer à un jeu. On ne parle pas ici d’un film de 2 heures, mais généralement d’un jeu de plusieurs heures, voire de plusieurs dizaines d’heures dans le cas des jeux de rôle. Et plus on vieillit, plus on a de responsabilités et plus il devient difficile de trouver le temps d’être à jour dans nos jeux.
Qu’est-ce que cela donne? Eh bien, tout simplement un manque d’investissement dans chaque jeu. Il arrive souvent qu’on se dépêche à terminer un jeu pour en faire la critique le plus rapidement possible ou bien qu’on n’arrive pas à le finir sans devoir publier la critique beaucoup plus tard que les autres, entraînant ainsi un intérêt moindre envers notre texte ou vidéo. Et si on parvient à le terminer, on passe rapidement à un autre jeu plus récent afin d’en faire la critique.
Bref, on passe constamment d’un jeu à un autre, de telle sorte qu’on n’en profite jamais totalement. Par manque de temps, on ne peut plus se permettre de refaire un jeu que l’on a adoré plusieurs fois jusqu’à le connaître par cœur. Et cela, c’est sans oublier le fait qu’on ne joue pas pour jouer, mais bien pour analyser, provoquant alors un plaisir bien différent d’un joueur jouant pour se divertir.
La compétition
Autre point rendant la couverture du jeu vidéo plus ardue qu’il n’y paraît : la compétition. Les mordus de jeux vidéo, ceux consultant le plus les articles de jeux sont avides d’informations. Ils vont chercher les nouvelles rapidement et en permanence, de sorte que si vous n’offrez pas une couverture continue ou traitant de jeux d’actualité, vous n’arriverez jamais à lutter contre ces médias proposant une lecture constante de l’industrie du jeu vidéo.
Contrairement à mes débuts, la compétition est maintenant devenue vorace au plan de la couverture du jeu vidéo. Les sites et blogues traitant de ce sujet se sont multipliés et, ce faisant, la compétition s’est renforcie de façon exponentielle. Il faut faire des pieds et des mains pour se démarquer et attirer des gens qui consulteront nos articles. Les sources d’informations sont multiples, de sorte qu’avoir sa place dans ce marasme est un exercice quotidien pouvant devenir éreintant à la longue.
Discutez avec n’importe qui couvrant le jeu vidéo depuis un certain temps et il vous dira que c’est beaucoup d’investissement pour très peu en retour. S’il y a les compagnies que l’on doit convaincre, il y a également les pairs avec qui nous devons composer pour qu’eux aussi nous considèrent. C’est un travail difficile et peu gratifiant malgré toutes les heures que nous investissons pour que notre projet croisse et soit reconnu. Tout cela est encore plus ardu lorsqu’on désire en vivre, une poignée de gens étant capables de générer des revenus dans la mer d’individus faisant ce travail de façon bénévole. Plus ou moins vite, on finit par se demander si tous ces efforts sont nécessaires et si le jeu en vaut la chandelle.
Bref, couvrir le jeu vidéo est une activité passionnante que j’espère pouvoir continuer pour des années à venir. Cela apporte beaucoup, mais à condition d’y travailler. Or, tout cela comporte aussi un lot de dimensions beaucoup moins positives dont plusieurs n’ont pas conscience. Couvrir le jeu vidéo, c’est aussi chercher à se démarquer et investir des heures et des heures bénévolement afin de se faire une place. Comme pour n’importe quel travail, cela mérite d’être considéré afin que l’on cesse de voir les journalistes de jeux vidéo comme étant de simples joueurs recevant des produits gratuitement.