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Certainement câlice!

Auteur: P.A. Normand
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Certainement câlice!

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Ce mode d’expression aux racines québécoises, partie intégrante de notre lexique, véritable témoignage de l'héritage religieux du Québec, est si répandu qu’il devient naturel de le pratiquer en toute liberté, partout et en tout temps.

À moins que… vous ayez des enfants. Si vous avez déjà vécu l’expérience d’entendre votre mignon petit boutchou lâcher un bon « osti » devant la visite, il est clair que maintenant, vous connaissez toutes les variantes du genre « Ah! ben TABAR…ouette », « CHRIST…ophe Colomb », « OSTI…nation » de « SACREM…ouille ». Sauf qu’il devient difficile de tout filtrer. Chez nous, pas question de jouer à la police de la bienséance auprès de nos visiteurs. Je me verrais très mal reprendre mon chum André (6 pi 2 po, 240 lb) : « Scuse, pourrais-tu raconter ton anecdote avec plus de mautadine de bonnes bines de crime puff? » Non! Ma blonde et moi avons préféré apprendre à nos filles qu’il y a des mots d’adultes et qu’elles ne peuvent pas s’en servir. Sauf la fois où….

Journée automnale plutôt frisquette, nous partons en famille passer le week-end en sol sherbrookois pour voir des amis. Petite escale au centre-ville durant laquelle nous stationnons dans un de ces très rassurants espaces à étages, reconnus pour leur très grande salubrité. À notre retour, notre ami qui nous accompagnait entreprend une coquine course autour de la voiture. Ma fille, amusée, se sauve malhabilement. C’est là que l’impensable est arrivé. Elle s’enfarge et se relève; rien de plus normal jusqu’ici. Je la vois alors ressurgir d’entre les voitures avec ce petit air. Vous savez, celui qui laisse voir toute notre vulnérabilité et qui pourrait se traduire par « J’ai rien fait »? Ma fille venait de tomber en pleine face dans un excrément humain! Oui oui! Un tas, une bouse, une fiente, appelez ça comme vous le voulez, c’était dégueulasse à souhait! Pourquoi suis-je certain que ce n’était pas la trace laissée par un animal? Je vous en épargne les détails. Probablement un itinérant qui cherchait un peu d’intimité ou encore quelqu’un à l’envie un peu trop pressante, mais j’avoue que je me l’explique encore bien mal celle-là. Trois adultes autour d’une fillette de trois ans, incapables de réagir. Figés par l’énormité de la situation, ça ne pouvait qu’être irréel (bien que l’odeur nous rappelait fortement le contraire). C’est à ce moment précis que j’oubliai toutes les belles vertus précédemment enseignées et m’élançai sans contrainte dans l’expression de mes meilleurs sentiments :

« C’est qui le cr*** de cochon de tab***** qui a chié là, hein?! Non mais ça se fait pas sacra**** d’ost***! Il est où le savoir-vivre coli***! Est-ce que je me laisse aller partout où je passe juste parce que j’ai envie moi? Eh cr***! Non mais dites-le-moi si c’est rendu acceptable, parce que moi j’ai toujours pensé que chier, ça se faisait sur une toilette pas dans des fuck** endroits publics. Tabar***! »

Avec l’écho du stationnement souterrain, on se serait cru en pleine homélie un dimanche matin à l’église. De toute beauté!

On la déshabille, la nettoie du mieux qu’on peut, l’enroule dans une serviette et l’assoit dans son petit siège auto en y touchant le moins possible. Pauvre p’tite! Ce soir-là, on deviendrait assurément la visite la plus odorante que des amis pouvaient s’attendre à recevoir à souper. Par chance, c’est là qu’on reconnaît les vrais. Ils auront presque réussi à nous faire sentir à l’aise malgré tout.

Mais je me souviendrai toujours, à part l’épouvantable épisode de gastro qui s’en est suivi, de cette image de ma fille. Roulant fenêtres baissées, haut-le-cœur en prime pour tous, elle nous aura finalement donné le coup de grâce :

« Câlice hein papa?

– Oui ma poupoune, là t’as le droit de le dire : câlice certain! »

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