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Critique de « La grande noirceur »

L’année dernière, Philippe Girard s’était intéressé au milieu des sectes avec Lovapocalypse. Presque un an plus tard, toujours chez Mécanique générale, l’auteur nous offre La grande noirceur, un nouvel ouvrage totalement à l’opposé du dernier, mais qui traite, encore une fois, de thèmes chers à l’auteur, comme l’amour et la recherche de soi.

Oubliez la frivolité de l’adolescence et le rock de Lovapocalypse. La grande noirceur se déroule à Québec en 1939. À cette époque, la capitale nationale, comme le reste de la province d’ailleurs, est sous l’emprise de l’Église. Les Québécois ne peuvent pas lire ni faire ce qu’ils veulent par peur d’être excommuniés et d’aller directement en enfer. 

C’est dans cet environnement austère que l’on retrouve Rita Donnati, une immigrante italienne dans la trentaine qui vit seule avec sa mère depuis la mort de son père. Alors qu’elle était partie voir des marins faire le grand voyage vers l’Europe, un homme la pousse et, par le fait même, lui sauve la vie. En effet, si cet inconnu n’avait rien fait, elle aurait probablement perdu la vie en se faisant frapper par une voiture.

Ce bon samaritain est néanmoins dans un triste état; l’accident l’a plongé dans un profond coma. Rita se sent mal de ce qui est arrivé et propose, tous les soirs, d’aller faire la lecture au chevet de cet homme installé dans un couvent. Si, au début, elle lui lit la Bible, elle va rapidement opter pour des lectures moins recommandées, voire interdites par l’index. 

Peu à peu, elle va se mettre à éprouver d’étranges sentiments pour l’inconnu. Cette expérience sera aussi l’occasion pour elle d’apprendre à mieux se connaître.

L'interdit nous appelle

Et c’est un peu ça La grande noirceur. Rita, tout comme d’autres femmes de son époque, va se rendre compte que l’interdit est très attrayant et, finalement, pas si dangereux que ça. On prépare déjà le terrain pour la Révolution tranquille. 

Philippe Girard nous offre aussi un point de vue unique, historique et très humain sur le sort des immigrants italiens des années 1930-1940. Il relate à plusieurs reprises les propos de deux commères et on sent qu’il y a beaucoup de xénophobie et de racisme. Les immigrants sont le sujet de beaucoup de ragots, alors qu’ils doivent travailler comme des forcenés pour pouvoir manger et vivre dans un petit loyer. 

Je l’ai dit en introduction, l’amour occupe une grande place dans cette bande dessinée. J’aime particulièrement comment l’auteur a abordé le thème. En fait, étant donné que l’homme est dans le coma, les scènes d’amour se passent dans la tête de l’héroïne qui s’imagine toutes sortes de scènes surréalistes. C'est très bien présenté. 

Et l’Église là-dedans? Eh bien, l'auteur nous montre, par l’entremise d’un prêtre assez ouvert et d’une soeur (faussement) sérieuse, le combat intérieur auquel ses membres doivent faire face. On se rend compte que ça peut parfois être difficile de respecter ses voeux de chasteté. 

Par ailleurs, j’ai adoré découvrir le Québec de la fin des années 40 par le crayon de Philippe Girard; on reconnaît évidemment des lieux connus encore aujourd’hui, comme le château Frontenac. Toutefois, d’autres endroits nous semblent inconnus, prouvant que la ville, à l’instar d’autres municipalités québécoises, a bien changé en 75 ans. Malgré cette grande fidélité architecturale, le bédéiste ne s’écarte pas trop de son style. En d’autres mots, dès les premières cases, on sait qu’on lit du Philippe Girard et on est bien content de le constater!

Verdict

En plus de nous offrir un merveilleux voyage dans le temps dans un Québec méconnu de plusieurs, La grande noirceur nous propose une histoire d’amour atypique, mais merveilleusement touchante.

La grande noirceur

Philippe Girard 

96 pages

Mécanique générale

Cote : 4,5 étoiles sur 5

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