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La difficulté de démontrer un meurtre au 1er degré
Premièrement, laissez-moi vous dire que de poursuivre quelqu'un pour meurtre au premier degré est le cauchemar de n'importe quel procureur. Tout avocat de la Couronne vous le dira: réussir à convaincre un jury qu'un meurtre a été planifié et soigneusement calculé est extrêmement difficile. Pour ce faire, on a souvent recours à des preuves matérielles, mais encore là, il faut prouver l'intention de tuer de la personne.
Autrement dit, il faut réussir à convaincre un jury que l'accusé avait des pensées meurtrières et qu'il avait un plan pour les mettre à exécution. De l'extérieur, c'est facile de dire que quelqu'un a planifié son massacre en se basant uniquement sur les informations des médias et notre propre jugement. Or, dans une salle de Cour, en suivant les règles de procédures complexes du système judiciaire, c'est une grande bataille à livrer. C'est pourquoi les procureurs de la Couronne sont extrêmement prudents lorsqu'ils déposent une accusation de meurtre au premier degré et, lorsqu'ils le font, ils sont convaincus de la véracité des preuves qu'ils présenteront sans avoir la moindre certitude qu'ils réussiront à convaincre les membres du jury.
D'ailleurs, parlant du jury, ce dernier fut l'objet de plusieurs attaques tant au premier qu'au second procès. Le public (et, encore pire, les matantes) s'en sont donnés à coeur joie en les fustigeant de toutes parts. Or, ceux critiquant le jury ont-ils été présents dans la salle de Cour pour apprécier toutes les preuves présentées ? Ont-ils réellement suivi le procès ou simplement les informations qui en ressortaient à travers les médias ?
Ni vous ni moi n'étions dans la salle où Guy Turcotte fut jugé et très peu de gens peuvent se vanter de s'être présentés quotidiennement au Palais de Justice de St-Jérôme pour prendre connaissance de l'étendue des arguments des avocats. En ce sens, comme le juge André Vincent l'a souligné, les jurés ont pris leur rôle au sérieux et on se doit de leur faire confiance quant au verdict qu'ils ont prononcé puisqu'ils sont les seuls qui furent au courant de l'ensemble du dossier Turcotte.
Que veut dire un meurtre au deuxième degré ?
Ceci clarifié, que signifie un verdict de culpabilité pour meurtre au second degré ? Contrairement à ce que plusieurs pensent (du moins si je me fie à certains commentaires émis sur les fils de nouvelles), ce verdict n'est pas inférieur à celui d'un meurtre au premier degré.
Lorsque vous êtes reconnu coupable de meurtre, vous êtes automatiquement condamné à une peine de prison à vie, point final. Ce qui change entre un meurtre au premier degré et un meurtre au second degré est le moment auquel vous serez éligible à une libération conditionnelle. Pour Guy Turcotte, ce sera après avoir purgé une peine entre 10 et 25 ans de prison. Si le médecin déchu avait été reconnu coupable de meurtre au premier degré, il aurait pu demander une libération conditionnelle après 25 ans d'incarcération, quoique dans les faits, un détenu au bon comportement peut effectuer cette demande après 15 ans de pénitencier.
Qui déterminera le temps que devra passer Turcotte derrière les barreaux avant de demander une libération conditionnelle ? Ce sera le juge André Vincent qui le décidera. Le jury aurait pu se prononcer puisque c’était son privilège, mais il a choisi de rester muet afin de remettre la décision entre les mains du juge Vincent, ce qui est tout à fait correct. Le juge Vincent entendra les arguments de la Couronne et de la Défense sur la peine avant de rendre sa décision, probablement quelque part au début de 2016.
Par ailleurs, demander une libération conditionnelle, ça ne signifie pas l'avoir automatiquement. Lorsqu'il sera éligible à cette libération, Turcotte devra en faire la demande à la Commission des Libérations Conditionnelles du Canada (CLCC), qui tiendra une audience et rendra une décision. Turcotte devra ainsi démontrer pourquoi il devrait être remis en liberté avec des conditions en faisant valoir une variété d'arguments. De l'autre côté, les proches des victimes pourront aussi faire valoir leur point de vue. Si le CLCC refuse de remettre Turcotte en liberté, ce dernier ne pourra effectuer une autre demande avant un an. Bref, chaque refus de la Commission équivaut à une autre année de détention.
Enfin, une peine à perpétuité signifie bel et bien une peine à vie, qu'elle soit ou non purgée en prison. Guy Turcotte ne sera plus jamais un homme totalement libre puisque s'il sort un jour du pénitencier, il demeurera sous conditions pour le restant de ses jours. Un individu condamné pour meurtre demeure sous la surveillance de la CLCC jusqu'à sa mort et doit respecter des conditions strictes. C'est à considérer lorsqu'on pense uniquement qu'une peine est synonyme d'incarcération.
Un livre qui n'est pas fermé
Maintenant, le procès Turcotte est-il terminé ? Non, pas encore. Déjà, le 18 décembre prochain, il y aura une représentation sur sentence pour déterminer quelle peine minimale entre 10 et 25 ans devrait purger le médecin avant d'être admissible à la libération conditionnelle. Puis, le juge Vincent devra rendre sa décision.
D'autre part, la cause ira-t-elle en appel comme pour le premier procès ? C'est possible. Les frères Poupart (avocats de Turcotte) examineront sans doute tout le procès afin de déterminer si le juge Vincent a commis une erreur au niveau de ses directives au jury ou bien si la peine minimale de détention infligée est trop sévère. Si appel il y a, la Cour d'Appel du Québec devra examiner le dossier et, là encore, ce pourrait donner lieu à d'autres suites. Bref, le dossier Turcotte n'est pas du tout clos pour l'instant.
Finalement, les procès de Guy Turcotte pourraient amener des changements au niveau de l'article 16 concernant la non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. Force est d'admettre que cet article de loi est très controversé et que les spécialistes de la question ne s'entendent pas. Les juristes se pencheront sans aucun doute sur cette question afin d'approfondir ce sujet très sensible. Dans les prochaines années, des changements législatifs ne sont donc pas exclus en raison des procès de l'ex-cardiologue.
Bref, c'est une page qui se tourne avec le verdict du second procès de Guy Turcotte. Or, le livre n'est pas encore fermé et encore moins rangé sur une étagère. Si, tout comme vous, j'ai bien hâte de mettre cette horrible histoire derrière moi, il faut bien comprendre ses tenants et aboutissants pour saisir pourquoi elle risque de nous hanter pour bien des années à venir.
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