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Romeo et Juliette 2016

Auteur: Daniel Carosella
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Romeo et Juliette 2016

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Émotionnellement et humainement parlant, difficile de rester de glace lorsqu'on prend conscience de cette situation. Michael Baril-Desjen n'a probablement jamais pensé qu'il agissait mal en entretenant une relation amoureuse avec une adolescente de 13 ans. Et il ne pensait surtout pas qu'il l'agressait sexuellement lorsqu'il avait des relations sexuelles avec elle.

Autre point: les parents des deux jeunes étaient parfaitement en accord avec la relation. Du coup, ni Michael Baril-Desjen ni sa copine n'ont pensé que leur amour était interdit par la loi. Personne, du moins à ce que l'on sait, ne les a mis en garde par rapport au danger que leur idylle présentait. Et même si nul n'est sensé ignorer la loi, disons que c'est un principe bien beau sur papier, mais aucunement applicable et appliqué dans la réalité, encore moins lorsque les émotions et le jeune âge des principaux acteurs entrent en ligne de compte.

Bref, je veux bien croire le jeune Baril-Desjen de même que ses parents et ceux de sa copine lorsqu'ils affirment que jamais ils ne pensaient que cet amour était illégal, même s'ils avaient des relations sexuelles. Et je donne le bénéfice du doute au jeune homme quant à la sincérité de ses propos. Je pense vraiment qu'il aime sa copine, que cette situation est très dommageable pour eux (spécialement pour lui) et que jamais ils n'ont pensé à faire mal en tombant en amour.

Sauf que…

Sauf que voilà, le Code criminel, lui, est insensible face à des situations de ce genre. Les lois mises en place peuvent donner un certain laxisme aux juges les appliquant, mais en matière de crime sexuel, non. Le regard froid et objectif que la justice posera sur la situation de ce jeune couple risque d'en froisser plus d'un, mais c'est quand même la vision insensible qu'elle doit porter pour assurer la plus grande équité entre tous les dossiers.

Si la cause de Michael Baril-Desjen crève le coeur, elle fait bel et bien l'objet d'une poursuite criminelle. Même si sa copine de 13 ans était consentante aux relations sexuelles, l'âge minimal pour qu'un consentement soit valide est 16 ans. Il fut une époque où cet âge était 14 ans, mais le gouvernement Harper l'a haussé à 16 ans dans la vague de durcissement face aux crimes à caractère sexuel. Donc, même si la copine de Michael Baril-Desjen témoigne et affirme qu'elle consentait aux rapports sexuels, en regard de la loi, son consentement est invalide puisqu'elle est réputée ne pas avoir la maturité nécessaire pour poser ce consentement de façon libre et éclairée.

Autre point dicté par le code criminel: l'âge de la victime. Ou, dans ce cas-ci, de la présumée victime. Parce qu'elle est âgée de 13 ans, l'adolescente aurait dû entretenir une relation et avoir des relations sexuelles avec un chum plus vieux de deux ans ou moins. Baril-Desjen étant âgé de 17 et 18 ans au moment des faits, cela fait en sorte qu'il excède la différence d'âge prévue par la loi et peut être accusé de détournement de mineur.

Voilà le regard froid et insensible que pose la justice par rapport à cet amour interdit entre deux jeunes amants. C'est cru, c'est difficile, mais c'est la réalité, aussi triste puisse-t-elle être dans certaines situations.

Peut-être ragez-vous. Peut-être trouvez-vous que moi-même, j'étale ces faits sans être empathique. Or, voilà pourquoi cette cause se retrouve devant un tribunal.

Notre société a pris une décision en criminalisant des relations de ce genre et en fixant un âge minimal de consentement. Elle a ainsi voulu protéger les adolescents et adolescentes de se faire exploiter par des personnes plus âgées alors que, comme je l'indiquais plus haut, ils n'ont pas toujours la maturité pour effectuer certains choix. On a aussi voulu les protéger par rapport à l'abus d'autorité pour éviter qu'ils se sentent obligés d'avoir des rapports sexuels en bas âge alors que l'abuseur peut être à peine âgé de 17 ou 18 ans.

Le cas de Baril-Desjen engendre la colère et l'indignation parce qu'on a tous été jeunes, parce qu'on est tous tombés en amour et parce que, peut-être, on s'est aussi retrouvés dans une situation similaire à la sienne. Or, si ça avait été une situation où le gars était membre d'un gang criminel sans qu'on le sache, qu'il aurait lui aussi affirmé qu'il aimait (avec conviction) sa copine de 13 ans, qu'on aurait bien voulu le croire, qu'on l'aurait innocenté et que, finalement, la jeune n'aurait été embarquée que dans un guet-apens afin d'être exploitée sexuellement, qu'est-ce qu'on en aurait dit ? Si ça vous semble exagéré, dites-vous que ça peut réellement se produire et c'est entre autres pour cela qu'on a instauré de telles mesures au code criminel.

Le juge aura une décision difficile à rendre, entre le côté émotionnel et maintenant public de l'affaire et le côté plus froid de la justice et d'un code criminel ne couvrant pas certaines exceptions comme celle de Baril-Desjens. Il devra aussi faire attention puisque sa décision risque de faire jurisprudence et d'être utilisée dans d'autres causes similaires. Pas besoin de vous faire un dessin pour vous illustrer en quoi une absolution pourrait ouvrir une porte dangereuse face à de jeunes délinquants prétextant aimer leur jeune victime alors qu'ils ne cherchent qu'à abuser sexuellement d'elles.

Je suis, peut-être comme vous, déchiré par cette situation. Je comprends le côté de la loi, mais je comprends aussi celui des jeunes qui y sont bien malgré eux plongés. Peu importe l'issue, des dommages seront causés dans leur vie, ne serait-ce que le fait que Michael Baril-Desjen sera obligatoirement inscrit au registre des délinquants sexuels à vie et qu'il ne pourra probablement pas revoir sa copine.

Un véritable Roméo et Juliette version 2016.

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