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Ce n’est pas pour rien que mon tout premier article sur ADG s’intitulait Prendre soin de son corps comme de son char. C’est parce que prendre soin de son corps est important et ça le devient encore plus lorsqu’on s’en sert « pour faire du millage ». Je me sers souvent de la voiture comme exemple pour faire comprendre aux gens certains concepts et principes qui régissent le corps humain et d’ailleurs un autre de mes articles, publié en 2015, s’appelait Le corps humain c’est un peu comme une voiture.
Le corps humain est en effet une belle machine mais comme tout appareil il faut savoir l’utiliser correctement et l’entretenir si on veut le garder longtemps en état de marche. La différence avec une machine, comme une voiture, c’est qu’on peut toujours en acheter une nouvelle tandis qu’on a un seul corps… Et c’est là que la nécessité de prendre soin de soi et de s’attarder aux détails prend toute son ampleur et sa signification.
Je pense que tout le monde peut comprendre que si on ne respecte pas les principes du mode d’emploi d’une machine il en résultera inévitablement une usure prématurée des pièces, sans compter qu’on augmente assurément les risques d’avoir des problèmes en cours de route. Ne pas adhérer au principe d’économie articulaire, c’est comme ne pas croire à la nécessité des entretiens d’une voiture. J’ai abordé plus en détail l’importance du positionnement et du respect des amplitudes de mouvement fonctionnelles dans mon article sur l’entraînement BIO. Comme une voiture mal entretenue, si vous utilisez mal votre corps ou que vous abusez de ses capacités vous en ressentirez nécessairement les effets plus tard. Le problème c’est que ce n’est que dans plusieurs années, une fois qu’une quantité significative de dommages aura été réalisée, que les problèmes feront surface pour vous faire comprendre que vous avez mal conduit toutes ces années.
Certains dommages mécaniques, comme l’arthrose, sont irréparables et c’est le devoir de tout « spécialiste » de l’activité physique de considérer et de préserver l’intégrité des pièces de ceux qui paient pour ses services. Une fois que les tendons sont « usés à la corde » ou que les articulations sont abîmées, on ne peut malheureusement revenir en arrière. On ne peut que limiter les dommages subséquents si on commence tout de suite à en prendre soin et faire plus attention. C’est pour cela qu'il est important de s’entretenir et de respecter les limites du système musculosquelettique lorsqu’on s’entraîne car c’est plus au fil du temps que sur le coup qu’on se blesse en général à l’entraînement.
Les jeunes, qui se croient invincibles et inépuisables, sont particulièrement vulnérables de par leur incapacité à se projeter dans l’avenir. Ils ont de l'énergie à revendre et veulent la dépenser! Et dans le cirque actuel voué à la destruction dont le but premier est de voir jusqu’où on peut pousser la machine, les parents sont également fautifs car ils sont tout aussi affables de performance. La population d'aujourd'hui aime les records et l’entraînement intensif est devenu la nouvelle drogue de l’heure! Les parents veulent que leur enfant performe et impressionne les autres et ils n’hésiteront pas à l’inciter à participer à des tonnes d’activités, de camps d’entraînements et de tournois sans en considérer les répercussions. Et ils feront confiance à n’importe qui respectera cette philosophie.
Le monde de l’entraînement s’est développé à une vitesse fulgurante ces dernière années et à un tel point que nous faisons maintenant face à un nouveau problème; l’épuisement! Dans la peur soudaine que les jeunes d’aujourd’hui deviennent obèses, on les fait courir à gauche et à droite en leur donnant des horaires de grandes personnes au lieu de les laisser jouer dehors et vivre leur jeunesse. N’est-ce pas ironique qu’en pleine pandémie d’obésité ces sportifs de salon qu’on essaie par tous les moyens de faire bouger soient en train d’épuiser les adultes de demain? Qu’arrivera-t-il d’après vous au jeune de 3 ou 5 ans qui, à peine rendu à l’adolescence, aura déjà 10 ans de carrière d’athlète dans le corps? Croyez-vous sincèrement qu’il pourra continuer ainsi pour encore longtemps? Bien sûr que non parce que le corps a des limites et, telle une voiture qu’on fait rouler à plein régime sans arrêt, ces pauvres enfants paieront beaucoup plus tôt que leurs parents le prix des abus en bas âge.
Dans ma clinique, je vois maintenant des enfants de 6 à 10 ans qui expérimentent des symptômes que je ne voyais auparavant pas avant l’âge de 16 à 20 ans. Du coup on vient de faire sauter une décennie aux troubles musculosquelettiques chroniques et la majorité des jeunes adultes dans la vingtaine que je vois aujourd’hui passer dans mon bureau ne peuvent déjà plus pratiquer le sport qu’ils ont passé leur enfance et leur adolescence à faire. Imaginez ce que sera la trentaine et la quarantaine alors qu’ils n’auront vécu que la moitié de leur vie! Même au niveau psychologique de plus en plus j'entend parler d'enfants qui font des dépressions, au primaire! Pour ma part je n’ai aucun souvenir étant jeune d’avoir été contraint d’arrêter mes activités parce que j’avais trop mal aux genoux ou au dos. Ça n’existait pratiquement pas « dans le temps » ce genre de chose, à moins qu’un accident ne nous arrive. Mais la réalité était différente; nous jouions dehors au lieu d’être poussé à nous défoncer, ce qui est peut-être moins impressionnant mais beaucoup plus amusant… et fort probablement meilleur si vous voulez mon avis. On nous laissait être des enfants qui veulent s'amuser.
Attention je ne dis pas qu’il ne faut pas faire de sport ou que l’entraînement est mauvais en soi. Ce que je dis c’est qu’il faut le faire avec intelligence et que c’est à l’entraîneur, comme aux parents, de faire preuve de cette lucidité. Pourquoi croyez-vous que les athlètes d’aujourd’hui sont aussi souvent blessés? Pourquoi les carrières sont-elles de plus en plus courtes? Parce qu’avec toutes ces pratiques, ces entraînements sur et hors terrain, ces saisons, ces tournois et ces retours au jeu précoces comment peut-il en être autrement. Faire du sport et s’entraîner c’est bien, à condition qu’on sache le faire intelligemment.
Un vrai professionnel sait qu’il est responsable de la santé de la personne qui fait appel à ses services et fait tout ce qui est en son pouvoir pour s’assurer qu’il fait du bon travail. Il est conscient que l’avenir de son client est entre ses mains et qu’il doit autant penser à court qu’à long terme. Il a confiance en ses moyens mais sait aussi reconnaître ses limites. Hors je peux vous dire que peu des soi-disant « spécialistes » qui peuplent le monde de l’entraînement le sont, même s’ils osent dire qu’ils changeront votre vie. En fait ils vont la changer mais peut-être pas de la façon dont vous l’auriez espéré. Et malheureusement on ne peut empêcher personne de s’improviser « expert » en entraînement et on dirait même que c’est même devenu le nouveau « job » de à la mode. Apparemment, avec un peu d’expérience, une ou deux formations et beaucoup d’attitude on peut s’auto-qualifier coach ou entraîneur privé et se partir une nouvelle carrière! J’espère que vous conviendrez avec moi qu’il en faut plus que ça pour pouvoir dire qu’on est un réel professionnel de l’activité physique et que vous pensez sincèrement que vous, comme votre enfant, ne méritez que ce qu’il y a de mieux pour vous.
Le manque de connaissances du système musculosquelettique est une lacune plus fréquente que vous ne pouvez le penser et c’est le devoir de tout coach ou entraîneur de savoir certaines choses et de les mettre en pratique. Souvent les gens ne font que suivre quelques formations par-ci par-là et croient rapidement avoir trouvé LA technique qui surpasse toutes les autres ou LA source de tous les problèmes. Les titres et les études qu’une personne détient ne sont en aucun cas un gage de sa qualité en tant qu’intervenant. Même le détenteur d'un grade universitaire a le devoir de continuellement approfondir et perfectionner ses connaissances. Il faut même faire attention car c’est parfois justement lorsqu’on a finalement un diplôme en main qu’on a tendance à prendre certaines choses pour acquises. Je connais d'ailleurs des personnes qui n'ont pas de diplôme mais à qui je sais que je peux faire confiance parce qu'elles ont une mentalité et une attitude exemplaires (elles se renseignent lorsque c'est nécessaire et considèrent la santé de leurs clients). Devant la simple complexité et toute la splendeur du corps humain, chacun devrait faire preuve d’humilité. Je le dis souvent à mes étudiants; plus tu en apprends en anatomie et plus tu te rends compte à quel point tu ne sais rien en plus de réaliser à quel point le corps humain est une machine complexe et vulnérable. Je n’aurai moi-même jamais la prétention de tout maîtriser et je cherche constamment à approfondir mon savoir et perfectionner mon savoir-faire. Comme je l’ai dit dans mon article intitulé Le travail de coach : l’art d’entraîner plus que le corps, être un bon entraîneur, c’est un art autant qu’une science.
Le problème ne réside donc pas uniquement dans le manque possible de formation mais aussi dans le souci du détail. Plusieurs n’ont aucune sincère considération pour la santé et l'avenir de la personne qui les fait vivre. Malgré le fait qu’elles devraient être fondamentalement présentes, des valeurs comme l’honneur, l’éthique et le sens moral sont une denrée rare et on dirait que c’est de pire en pire. Il n’y a plus d’égard envers les autres et je me demande même si les gens savent encore ce qu’est une valeur, comme l’honnêteté et l’empathie. Les gens ne pensent qu'à impressionner leur voisin et ils sont plus d'un à être surpris lorsqu’ils constatent que c’est moi qui leur impose de « slaquer la pédale » de temps en temps. Pourtant à mes yeux, un bon entraîneur ne pousse les gens dans le dos, il les accompagne et les guide vers le chemin de la victoire. Il considère aussi la globalité de l’individu et sait reconnaître qu’à certains moments, et inévitablement, il y aura des choses plus importantes dans la vie de cette personne que l’entraînement et la performance.
Plus les années avancent et plus je me rends compte à quel point les gens ne sont pas conscients de ce qu’ils font subir à leur corps. En revanche, plusieurs semblent avoir développé le talent d’entourlouper les naïfs et de séduire les insouciants qui se cherchent avec de belles paroles et une assurance qui charme l’impressionnable. Ces pauvres ne sont ni conscients des dommages qu’ils font subir à leur corps ni des risques qu’ils courent pour leur santé et c’est tout à fait normal car c’est à la personne à qui elles remettent leur argent (et leur sort) que revient cette responsabilité.
Comment puis-je affirmer tout cela? Parce que je fais partie de ceux qui donnent de la formation continue et que chaque fois que je me présente je ne vois qu’une poignée d’intervenants devant moi. Pourtant ne sommes-nous pas submergés de centres de conditionnement physique, de vidéos d’entraînement, d’entraîneurs et de coachs?
Toute personne qui propose ou démontre des exercices se doit de s’informer et d’être pleinement consciente des impacts que ceux-ci peuvent avoir à long terme sur le système musculosquelettique. Malheureusement, et sans que ce ne soit nécessairement mal intentionné, plus souvent qu’autrement ce n'est pas le cas et ce n'est que plus tard que les gens expérimenteront les symptômes des dommages collatéraux qui se traduiront d’abord par des petits points par-ci par-là qui partent et qui reviennent avant de devenir plus intenses et chroniques. Cela fait déjà plusieurs années que je mon travail consiste à récupérer des gens souffrant de troubles musculosquelettiques et de symptômes divers et à leur redonner une qualité de vie et plus le temps avance, plus je me rends compte que je ne manquerai jamais de travail!
Ce qui me fait aussi peur, c’est que non seulement de plus en plus de gens s’improvisent entraîneurs mais que beaucoup d’entre eux s’improvisent « thérapeutes d’occasion » ce qui est très dangereux! Ne laissez jamais personne jouer avec votre santé et rappelez-vous toujours que le conditionnement physique est supposé vous aider à améliorer votre santé et non la mettre en péril; que ce soit à court, moyen ou à long terme.
Les pires ce sont encore les jeunes, aussi impatients qu’intimidables, qui plus que jamais prennent en exemple les vedettes et les culturistes d’aujourd’hui qui n’ont jamais été aussi « droguées ». Je ne suis d’ailleurs aucunement surpris lorsque j’entends ces super vedettes se plaindre d’être fatigués et de devoir faire une pause car à les voir se malmener à l’entraînement et se bourrer de cochonneries de la sorte, ça ne peut pas faire autrement. J’ai aussi écrit plusieurs articles sur le sujet dont Reality check sur le fait de se mettre en shape que je vous suggère de lire si cela vous interpelle.
Aujourd’hui les drogues anabolisantes sont partout n’importe qui peut s’improviser « médecin de service ». J’aimerais que vous pensiez quelques secondes à une chose : comment quelqu’un dont vous n’avez aucune idée des sources peut-il oser prétendre savoir ce qu’une drogue aura comme effet sur vous si même le médecin spécialiste en endocrinologie et ayant accès à ce qu’il y a de plus rigoureux en matière de laboratoire et produits pharmaceutiques ne peut le prédire avec certitude (et ce même avec les dosages les plus minimes)? C’est quand même drôle que ce domaine soit aussi infesté d’imposteurs qui passent pour des « experts » et qu’autant de gens leur fasse aveuglément confiance. Ce le domaine informatique, ce serait l’équivalent de s’improviser programmeur simplement parce qu’on a passé ses soirées à surfer sur le net. Si vous ignorez l’importance de ce problème, je vous suggère fortement la lecture de mon article Les anabolisants un problème plus inquiétant qu’on le pense.
À première vue, il peut vous sembler bizarre qu'un culturiste comme moi tienne un tel discours mais c’est comme ça que j’ai géré ma vie d’athlète et je suis content de l'avoir fait. Oui je voulais performer mais je voulais aussi rester en santé et ça ne m’a pas empêché de remporter plusieurs titres nationaux et en plus d’être compétitif même sur la scène internationale. À l'approche de mes 40 ans, je m'en porte d'ailleurs très bien malgré toutes ces années d'entraînement et de compétition.
Les gens ne réalisent pas l’importance de prendre soin de leur corps jusqu’au jour où le malheur frappe à la porte et où ils se rendent compte que, finalement, la santé n’a pas de prix. Mes clients me disent constamment qu’ils ont l’impression de rajeunir au lieu de vieillir et c’est exactement ce que l’exercice physique est supposé avoir comme effet s’il est bien orchestré. L'entraînement devrait non seulement prolonger l’espérance de vie mais aussi sa qualité!
N'allez pas non plus vous improviser expert en vous disant que vous n'avez pas besoin de supervision à l'entraînement. Bouger est une chose, s'entraîner en est une autre. Utilisez votre jugement et faites appel aux services d'une personne de confiance qui a fait ses preuves (ex: kinésiologue d'expérience). Projetez-vous dans 10, 20 voire 40 ans et demandez-vous ce que vous aimeriez être encore capable de faire à ce moment-là. J’ai d’ailleurs écrit un article traitant de cet aspect intitulé Pensez-vous déjà à votre retraite? Vous devriez!
Trop souvent l’atteinte d’un résultat spécifique (performance) est priorisée au détriment de la santé. Comme le disait Lafontaine : « rien ne sert de courir, il faut partir à point »!
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