Une musique jouissive
Avant de prendre la baguette, le chef Yannick Nézet-Séguin a confié au public de la Maison symphonique de Montréal que la musique de Strauss faisait partie, selon lui, des musiques les plus jouissives. Et on peut dire qu’il avait raison!
Les trois œuvres présentées au programme comptent parmi les plus divertissantes et inspirantes du répertoire. Il faut dire que le compositeur allemand utilise une palette orchestrale variée et riche en couleurs.
Pour jouer du Strauss, il faut souvent un grand orchestre. C’est d’ailleurs pour cette raison que les musiciens montréalais ont fait appel à leurs homologues de la capitale nationale. On avait donc sur scène plus de 120 musiciens, ce qui, je dois le dire, était très impressionnant et rarement vu, quand on parle de l’OM.
L’opéra et le poème symphonique
Strauss a composé beaucoup d’Å“uvres, mais a surtout excellé dans l’opéra et les poèmes symphoniques, qui sont tous magnifiques. Ça tombe bien, car le programme contenait trois Å“uvres issues du répertoire lyrique et symphonique.
La Fantaisie symphonique sur Die Frau ohne Schatten (La Femme sans ombre) (op. 65 / TrV 234a) a été la première Å“uvre présentée. Elle est tirée de l’opéra du même nom. Même si cette pièce est moins connue, elle en vaut assurément le détour.
Les cuivres, spécialement les trombones (pour l’occasion, on pouvait compter 4 trombones et 2 trombones basses) jouent un rôle très important. Ces instruments sonnaient juste et contribuaient à donner des airs épiques à l’ensemble.
Avant l’entracte, nous avons pu entendre la Suite symphonique tirée de Der Rosenkavalier (Le Chevalier à la rose) (op. 59 / TrV 227). Encore une fois, cette Å“uvre est tirée d’un opéra. Mais comparativement à l’autre, celle-ci fait partie des pièces les plus connues de Strauss. Et pour cause!
Un peu un hommage aux valses de Johann Strauss père et fils et aux opéras de Mozart, l’Å“uvre est à la fois poétique, enchanteresse et dotée d’une grande sensualité. La partition fait souvent référence à des valses que l’on pouvait entendre à Vienne.
Ici, les deux ensembles ont créé quelque chose d’unique, voire de magique. Pendant les 23 minutes que durait l’Å“uvre, j’étais complètement rivé à mon fauteuil. Il me semblait avoir fait un voyage dans le temps. C’était presque indescriptible. Difficile d’être déprimé après avoir écouté une musique si belle et inspirée.
Heureusement, l’entracte a pu me faire redescendre sur Terre et me préparer à ce qui allait suivre. En effet, la dernière Å“uvre au programme, et non la moindre, était Also sprach Zarathustra (Ainsi parlait Zarathoustra) (op. 30 / TrV 176), universellement connue pour son Introduction, ou Lever du soleil.
D’une grande solennité, les musiciens nous ont livré une interprétation très posée, alors qu’il aurait été si facile de s’égarer. Le premier violon n’était pas celui de l’OM (Yukari Cousineau), comme avant l’entracte, mais un musicien de la formation d’Ottawa, Yosuke Kawasaki. Je crois qu’il n’a rien à envier à Mme Cousineau et a fait preuve d’une grande virtuosité.
Même si on a pu ressentir, vers la fin, une certaine fatigue chez les musiciens, ils ont tous été très généreux. J’ai dévoré cette pièce et lorsque le chef a déposé sa baguette, j’en redemandais encore. Je n’ai pas vu la soirée passer.
Dans le chœur
Pour le concert de vendredi dernier, je me suis retrouvé assis dans le chÅ“ur, c’est-à -dire que j’étais derrière la scène et que je voyais les musiciens de dos. Cependant, j’ai pu voir le chef diriger de face.
C’était la première fois que je pouvais m’asseoir là et je dois avouer que j’ai adoré l’expérience. Le son semblait être plus gras. Puisque j’étais près des cuivres et des percussions, je semblais mieux les distinguer. J’avais aussi une meilleure vue d’ensemble sur l’orchestre et pouvais plus facilement me concentrer sur un petit groupe de musiciens.
Par contre, le plus grand avantage d’être assis dans cette section de la salle est de pouvoir voir le chef diriger. Maestro Nézet-Séguin est un passionné et ça se voit tout de suite! Très expressif lorsqu’il dirige, on comprend mieux pourquoi il est capable d’amener un orchestre (ici deux) à un autre niveau. Il donne tout ce qu’il a et invite les musiciens à en faire de même. C’est fascinant.
Verdict
L’Orchestre Métropolitain et l’Orchestre du Centre national des Arts d’Ottawa ont fini en beauté cette saison haute en couleur. Les deux ensembles ont réussi à jouer en harmonie du début à la fin, sans compétition et en étant au service de la musique. Au final, nous avons eu droit à un concert sensuel, intelligent et épique. Vivement la prochaine saison!