Lorsqu’on étudie les phénomènes criminels, il est difficile de ne pas aborder le thème des drogues. En effet, en étant confronté à des individus marginaux et délinquants, un criminologue clinicien finira un jour ou l’autre par devoir composer avec des problèmes de consommation au sein de sa clientèle. C’est pourquoi les questions relatives aux drogues piquent ma curiosité et pourquoi je cherche à tenir à jour mes connaissances dans ce domaine. Or, la plus récente drogue dont j’ai eu connaissance est probablement celle qui m’a fait le plus frémir tant elle engendre des conséquences désastreuses chez ses utilisateurs. Son nom : le Krokodil.
Le Krokodil est un mélange de plusieurs produits chimiques et est produit à travers un mélange semblable à celui des métamphétamines. Cependant, il contient beaucoup plus de produits toxiques que ces dernières, élevant son niveau de toxicité à un niveau à peine imaginable. En effet, le Krokodil est une combinaison d’iode, d’héroïne, d’essence, de dissolvant à peinture, de phosphore rouge et de codéine. Une fois produit après combustion, le Krokodil a un aspect pâteux et est administré sous forme injectable. Or, sa toxicité est telle qu’il serait dix fois plus puissant que l’héroïne à un coût passablement moins élevé que celle-ci. En outre, le Krokodil représente un choix à bas prix par rapport à l’héroïne puisque l’un de ses principaux éléments (la codéine) peut se trouver facilement sans prescription. Toutefois, bien que les usagers obtiennent des effets décuplés par rapport à l’héroïne, ils s’exposent également à des risques exponentiellement plus élevés.
Effectivement, le niveau de toxicité du Krokodil met en danger la vie de ses utilisateurs, et ce, dès sa première utilisation. Ainsi, une seule dose de Krokodil peut s’avérer mortelle. Pour ceux y survivant, le pronostic n’est guère plus réjouissant, les médecins prédisant une espérance de vie de un à trois ans chez ceux en faisant usage. Autrement dit, dès que vous commencez à vous injecter le Krokodil, vous creusez votre propre tombe, parfois instantanément.
Or, ce n’est pas ce qu’il y a de plus terrifiant avec le Krokodil. Cette drogue est si dure qu’elle provoque de graves conséquences épidermales et incurables chez ceux en faisant usage, d’où le nom de la drogue évoquant les blessures engendrées par les morsures de crocodiles ainsi que l’apparition de plaques semblables à des écailles sur la peau des usagers. En outre, la drogue entraîne des troubles de la peau tels que des phlébites, des dommages tissulaires sévères et de la gangrène. Le niveau de toxicité de la drogue est tel que celle-ci pourrit et détruit carrément l’épiderme. Pire, on a même recensé des cas où le Krokodil a perforé les os ! Autrement dit, les utilisateurs de Krokodil voient leur peau pourrir graduellement et il arrive que les médecins n’aient d’autre choix que d’amputer le membre où la drogue a été injectée. Je vous épargne les images de ces conséquences physiques puisqu’une simple recherche dans Google saura vous convaincre des ravages de cette drogue.
Le Krokodil n’est pourtant pas une nouvelle drogue, mais elle n’a été popularisée que tout récemment. La drogue a été remarquée pour la toute première fois en 2002 dans l’est de la Sybérie puis s’est propagée à la Russie. Aujourd’hui, le Krokodil est un fléau dans ce pays puisqu’on compte pas moins d’un million de Russes étant devenus dépendants à cette drogue. Le gouvernement et les centres de traitement à la dépendance se montrent impuissants devant cette nouvelle menace, qui commence à se propager à toute l’Europe. En effet, de récents rapports montrent que le Krokodil a fait son entrée en Allemagne et qu’il est aux portes de la Belgique et des Pays-Bas. Cette rapide propagation laisse penser que le Krokodil pourrait bien percer le marché nord-américain dans un avenir plus ou moins rapproché.
Reste la question du pourquoi. Pourquoi des individus mettent-ils leur vie en danger en consommant des produits aussi toxiques et engendrant de graves conséquences? Tout d’abord, si l’on prend l’exemple du Krokodil, cette drogue a fait son apparition dans des milieux défavorisés au sein de pays où les conditions de vie ne sont pas toujours les meilleures. Sans espoir, certaines personnes en viennent à se tourner vers ces drogues dures afin d’apaiser leur mal de vivre ou, à tout le moins, pour éviter d’avoir à faire face à leurs conditions de vie misérables l’espace de quelque temps. Et si la consommation s’avère fatale, tant pis, ils n’ont plus rien à perdre, leur vie ne représentant que leur malheur de toute façon. Graduellement, la dépendance s’installe et d’une détresse psychologique, ces personnes en viennent à ressentir une détresse physique tant ils ne peuvent plus vivre sans avoir leur dose quotidienne. D’une détresse à un niveau, on passe bien vite à une détresse à deux volets.
Le Krokodil représente malheureusement le mal de vivre de notre société, un mal de vivre qui pousse des individus à se tourner vers des paradis artificiels dans l’espoir de calmer ou bien de faire taire leurs souffrances. Des souffrances qui pourrissent leur vie et qui, éventuellement, finissent même par pourrir leur chair…