Cette semaine, alors que je faisais de l’« archéologie de fond de tiroir » dans ma commode, je suis tombé sur le genre de cossin que je garde dans mes affaires depuis l’enfance; je suis tombé sur des billets de banque Rona. Dans le temps, on pouvait s’acheter des choses avec ça! Phénomène récent? Évidemment non! Voyons donc le fascinant monde des monnaies qui n’en sont pas vraiment.
Monnaie de nécessité
De tout temps, depuis que la monnaie existe, la menue monnaie ou « petit change » a manqué. Que ce soit au temps de la Grèce ancienne, de la Rome antique ou bien au Canada, l’argent liquide a connu des périodes de rareté extrême.
Au pays, il faut remonter à la Nouvelle-France pour rencontrer la première forme de monnaie de nécessité ou de substitution. En 1685, l’intendant Demeulle inventa un système de monnaie parallèle, la monnaie de carte, afin de contrer le manque d’argent en circulation qui risquait de causer bien des désordres, surtout à l’arrivée de l’hiver. Il décida d’utiliser des cartes à jouer, d’y inscrire un montant et d’apposer sa signature, garantissant au porteur que l’intendance rembourserait bien la somme inscrite. Notre papier-monnaie était né!
On raconte qu’après la Conquête, près de 600 000 livres non payées étaient toujours en possession de Canadiens. Ils ne furent jamais totalement remboursés…
Bien des années plus tard, au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, la monnaie de remplacement était toujours en usage pour les mêmes raisons. Ce qui circulait le plus, c’était les fameux « tokens ». Ils étaient frappés aussi bien par des banques que des commerçants. Parmi les plus célèbres au Bas-Canada (Québec actuel) figurent le « sou » et le « deux sous » qui valaient respectivement un demi-token et un token. On les appelait les « sous Patriotes » ou « sous habitants » en raison du dessin sur la pièce. Ils furent utilisés à très grande échelle jusque tard au XIXe siècle.
Les monnaies de nécessité disparurent rapidement lors de l’implantation du nouveau système monétaire canadien en 1858, qui était plus fiable et dont la qualité de la monnaie était aussi supérieure.
L’ « autre monnaie » aujourd’hui
De nos jours encore, on peut retrouver une multitude de monnaies parallèles (fouillez dans votre fond de tiroir les gars!). La plus connue étant le fameux « argent Canadian Tire » qui circule depuis 1958 et que l’on peut échanger contre de la marchandise dans les magasins Canadian Tire. Il est tellement vrai cet argent que depuis 1961, c’est la réputée British American Bank Note Company qui l’imprime sur du vrai papier à monnaie. J’ai même connu des garagistes indépendants qui acceptaient l’argent Canadian Tire! Les magasins Rona ont également mis en circulation leur « argent clé » Rona de 1981 à 1988.
Si vous êtes attentifs, vous remarquerez que la monnaie métallique est encore bien plus répandue : jetons d’autobus, jetons de cafétéria, jetons de casinos, jetons d’arcades, etc. Les exemples sont nombreux, mais ce qui risque de les faire disparaître un jour, c’est le fait que nombres de commerces offrent maintenant plus de retour en argent de fidélisation (comme l’argent Canadian Tire) si vous l’accumulez électroniquement. Ça reprend un peu le principe des Air Miles ou milles Aéroplan.
Mais moi, personnellement, j’espère que ce n’est pas demain la veille que l’on verra disparaître cette autre monnaie. Ce doit être le ti-gars en moi, ramasseux de cossins, qui parle.
Liens :
http://corp.canadiantire.ca/FR/Pages/default.aspx
http://anpb.net/index.php?action=direct&id=519&c=14
www.canadianencyclopedia.com