Le scénario ressemble à celui de 2008, alors que Bernie Ecclestone, dirigeant du circuit de la Formule 1, laissait planer le doute sur l’avenir d’un Grand Prix à Montréal. Comme de fait, le Grand Prix du Canada n’eut pas lieu en 2009, alors que les promoteurs de l’événement et la direction de la Formule 1 furent incapables de trouver une entente sur le prix des droits de tenir une course en sol canadien, une première en 22 ans.
Nous le savons tous, la F1 est un sport très polluant, que ce soit relativement à l’usage abusif de pneus, d’émissions de GES, à la pollution sonore ou tout simplement à l’impact environnemental engendré par le déplacement de foules vers l’événement (avions, voitures, air climatisé, etc.). Il est donc bien difficile de défendre un Grand Prix sur cet aspect lorsque vous êtes un gouvernement qui fait du développement durable l’un de ses principaux chevaux de bataille électoraux, comme c’est le cas pour le PQ. Mais l’opportunité que le Grand Prix du Canada offre à la province est tout simplement trop alléchante pour passer à côté.
Analysons, quelques instants, la situation économique du retour du Grand Prix à Montréal en 2010.
Le Gouvernement évaluait à 11 milliards de dollars les recettes touristiques en 2010, en hausse de 5,9 % comparativement à l’année précédente. D’après les chiffres de l’Institut de la statistique du Québec, si nous calculons les recettes touristiques engendrées par une clientèle provenant de l’extérieur du Québec, nous arrivons à un impact économique de 5,88 milliards de dollars annuellement. Le Grand Prix, à lui seul, engendre, selon certaines estimations, 89 millions de dollars, basé sur plus ou moins une semaine d’activités. C’est donc dire que la course de F1 montréalaise engendre 1,5 % des dépenses touristiques à elle seule. Pas étonnant que ce soit l’événement sportif ayant la plus grande incidence touristique au Canada! Tourisme Montréal attribuait d’ailleurs une hausse du bilan touristique de 4,5 % en 2010 au retour du Grand Prix en sol québécois.
À la lumière de cette analyse, voyons maintenant le modèle d’affaires de la Formule 1.
Au-delà d’une simple course, l’industrie de la F1 s’impose comme un enjeu stratégique sur l’échiquier économique mondial, alors que beaucoup de pays émergents, en pleine croissance, sont prêts à payer le gros prix pour que le cirque de la F1 s’arrête chez eux. Une étude de Sylvain Lefebvre et Romain Roult (UQAM), intitulée « Formula One’s new urban economies », est équivoque en ce sens. Selon leur étude, ce sport a effectué un changement stratégique important au fil des dernières années, alors qu’il est passé d’une clientèle qui visait l’élite occidentale vers des villes de pays émergents dominants; notons au passage le transfert du Grand Prix de Montréal à Abu Dhabi en 2009, mais aussi ceux qui furent remplacés par les Grand Prix de Singapour, Malaisie, Bahreïn, etc. (voyez le graphique). Leur enjeu stratégique? L’utilisation de ces évènements en tant que « cartes d’affaires » afin de susciter les investissements étrangers. Grosso modo, il est question d’une lutte entre les villes pour s’accaparer, pendant quelques jours, le cirque d’Ecclestone, afin de se donner une tribune commerciale incomparable. On assiste alors au déclin de villes ayant des approches plus traditionnelles et « acquises » au profit d’autres qui veulent se positionner sur la scène mondiale.
Pour revenir à la situation de Montréal, les dépenses gouvernementales totalisent 15 millions pour chaque Grand Prix. En ce qui concerne les plus récentes villes à tenir cette compétition, la moyenne des droits d’exploitation s’estime à 35,65 millions par événement, bien au-dessus de Montréal. Une étude indépendante, ING-Formula Money (2007), évaluait donc, avec ces investissements, un taux de rendement de 350 % pour les gouvernements canadiens impliqués, alors que la moyenne des investissements publics en F1 s’estimait à 553 %.
Considérant le fait que l’Office du tourisme de Montréal a lancé, en 2011, une campagne publicitaire de 25 millions afin de susciter l’attention des touristes nord-américains (New York, Chicago et Boston), il est légitime de mettre en parallèle l’investissement requis dans ce genre de campagne, comparativement à celui requis pour tenir un Grand Prix de F1 à Montréal. Rappelons-le, la tribune de visibilité qu’offre cet événement à la métropole québécoise est tout simplement unique :
- 300 millions de spectateurs dans plus de 150 pays;
- une foule de plus de 300 000 spectateurs (3 jours);
- le nom de Montréal entendu en moyenne toutes les 5 minutes.
En somme, j’espère que les divers paliers gouvernementaux feront les efforts nécessaires pour conclure une entente avec le circuit de la Formule 1. Qu’on aime ce sport ou qu’on le déteste, il n’en reste pas moins que les retombées sont positives pour la province, et ce, sur bien des aspects. Il s’agit, selon moi, d’une décision économique stratégique afin de positionner le Québec sur la scène mondiale. Profitons donc de l’opportunité qui s’offre à nous!
Sources :
http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/referenc/quebec_stat/eco_tou/eco_tou_4.htm
http://affairesautrement.blogspot.ca/2012/06/grand-prix-de-montreal-nexagere-t-on.html
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Economie/2010/06/10/017-retombees-grand-prix.shtml
http://www.lapresse.ca/actualites/montreal/200907/23/01-886557-des-retombees-economiques-de-74-a-100-millions.php
http://ac.els-cdn.com/S0264275111000400/1-s2.0-S0264275111000400-main.pdf?_tid=0aabf6d2-d175-11e2-a555-00000aab0f27&acdnat=1370831319_00a1fc42a5435d83eb72be805ea0af6b
http://search.proquest.com.ezproxy.usherbrooke.ca/cbcacomplete/docview/453069653/13E910485022F512122/2?accountid=13835