Aller au contenu
Épisode 2 – Camp de base de l’Everest

2005 Camp de base de l’Everest

Nous voici sur le tarmac de l’aéroport de Lukla. Lorsqu’on voit d’autres petits avions sortir de la vallée et se diriger vers l’unique piste, le « Ouf! » est de mise!!! En fait, l’aéroport de Lukla, par sa piste inclinée, est le plus dangereux au monde. Youtube peut vous donner un aperçu de ces AS du pilotage. L’atterrissage est le premier « Ouf! »; le deuxième « Ouf! », les montagnes. Nous sommes au cÅ“ur de l’Himalaya.
 
Les formalités sont plus longues pour les groupes, ce qui nous permet d’être rapidement sur la piste vers notre première étape : Phading. Vive la liberté de l’autonomie. Voici l’itinéraire que nous avons planifié. Plusieurs se rendent au camp de base par la voie classique; nous, nous le ferons par les lacs de Gokyo. Plus long, plus sportif, mais tellement plus beau. Cet itinéraire donne la forme d’un triangle; on ne repasse pas dans le même sentier. Je veux régler un point au départ, je ne parlerai pas de température, car il a fait beau tous les jours.

Itinéraire
Jour 1 Lukla (2820 m) jusqu’à Phading (2635 m) 4,5 h 200 – ±8 km
Jour 2 Phading (2635 m) Namche Bazar (3440 m) 3,5 h 800 + ±9 km
Jour 3 Namche Bazar (3440 m) trek à Khunde et Khunjumg (4050 m) 7 h 630 + 8 km, acclimatation premier jour   
Jour 4 Thami (3750 m) Namche Bazar (3440 m) 6 h 320 – 10 km, acclimatation deuxième jour    
Jour 5 Namche Bazar (3440 m) à Phortsé Tenga (3750 m) 5 h 310 + Â±10 km  
Jour 6 Phortsé Tanga (3750 m) Dole (4040 m) 3 h 300 +. ±4 km  
Jour 7 Dole (4040 m) Machherma (4410 m) 4 h 350 + ±7 km    
Jour 8 Machherma (4410 m) Gokyo (4750 m) 4 h 350 + ±8 km    
Jour 9 Gokyo (4750 m), acclimatation. Trek au Gokyo Ri (5357 m) 4 h 607 + ±5 km    
Jour 10 Gokyo (4750 m) Thangna (4908 m) 4 h 200 + ±6 km    
Jour 11 Thangna (4908 m) Cho La pass (5420 m) Dzomghla (4843 m) 8 h 800 + 600-, la journée la plus difficile du trek, ±11 km    
Jour 12 Dzomghla (4843 m) Gorak Shep (5160 m) 7 h 320 + ±10 km    
Jour 13 Gorak Shep (5160 m) 5 h du matin le Kala Patar (5545 m) 400 + ±5 km    
Jour 14 Gorak Shep (5160 m) E.B.C. (5400 m) 3 h 240 + ±7 km    
Jour 15 E.B.C. (5400 m) Pheriche (4520 m) 7 h 820 –  ±11 km    
Jour 16 Pheriche (4520 m) Tengboche (3760 m) 5 h 760 – ±8 km     
Jour 17 Tengboche (3760 m) Namche Bazar (3440 m) 5 h 750 – ±9 km    
Jour 18 Namche Bazar 3440 m) Lukla (2820 m) 7 h 950 – ±17 km    
Jour 19 Lukla (2820 m) à Kathmandu (1400 m) (avion 45 minutes)        

Après avoir quitté l’aéroport fortifié de casemate, de mitraillettes et de soldats (il faut se rappeler qu’il y a la menace des maoïstes en 2005), nous voilà dans le pays des sherpas, des dzos et des namasté. C’est la route vers Phading pour notre première étape. Il fait beau, c’est le printemps et je suis heureux. Vive les caméras numériques, car on veut tout prendre en photo. Les sourires et les namasté (bonne journée) des Népalais nous font sentir qu’ils sont heureux d’avoir de la visite. 
 
Tout au long du chemin, nous rencontrons régulièrement des chörtens ou stûpas, monuments bouddhistes que nous nous appliquons à toujours contourner par la gauche comme il convient de le faire. Le premier pont suspendu nous semble fragile, mais lorsqu’un groupe de dzos le traversent, mes craintes s’envolent. Le paysage est à couper le souffle. L’altitude aussi! Je suis surpris des charges que peuvent transporter les Népalais. Parfois, c’est plus de 50 à 60 kilos et même plus. Ils transportent des charges comparables aux dzos pour 1 à 3 dollars par jour. J’ai estimé un porteur à 120 kilos de kérosène. Tout se transporte à dos d’homme, de dzo ou de yack (selon l’altitude). Cette première journée se passe très bien. Finalement, une première étape pas trop difficile et la recherche d’un premier logis n’est pas trop compliquée. 
 
La première nuit n’est pas trop bonne, je me pose la question : nourriture ou altitude? Au matin, les choses sérieuses débutent : c’est la route pour Namche Bazar, capitale des sherpas. En passant, « sherpa » ne veut pas dire porteur; c’est une ethnie du Népal qui, par tradition, accompagne depuis des décennies les grimpeurs vers les différents sommets de l’Himalaya. Ils ont une grande résistance à l’altitude. Cette journée de trek se passe dans une vallée très encaissée.

Nous entrons dans le parc Sagarmatha. Il y a une multitude de ponts suspendus à traverser et le dernier ressemble à un décor d’Indiana Jones. De plus, il manque des planches au tablier de ce pont. Il est couvert de drapeaux de prières. Les bouddhistes placent ces drapeaux au vent, ce qui permet aux mantras de monter au ciel et ainsi d’être transmis aux dieux. Les couleurs (rouge, vert, jaune, bleu et blanc) représentent le feu, le bois, la terre, l’eau et le fer. La montée vers Namche Bazar est cruelle et interminable. Ça vient chercher toute l’énergie qu’il nous reste. Petite consolation, une première vue de l’Everest. Il est à 70 km, mais à 3000 m d’altitude; il semble si inatteignable. Je n’ai que 15 kilos sur mon dos et quelques porteurs avec plus de 60 kilos me dépassent. Finalement, les portes de Namche Bazar!
 
J’ai mal à la tête, mes premiers symptômes du MAM (mal aigu des montagnes); c’est la situation que je redoutais le plus. Nous avons planifié trois nuits à Namche Bazar pour l’acclimatation. J’ai sur moi des cachets de Diamox en dernier recours. Avec le Diamox, le sang se charge en CO2 et ça accélère automatiquement la respiration, ce qui est bien utile dans un environnement qui manque d’oxygène. L’hôtel Norling, c’est le gros luxe comparé à l’hôtel de Phading. J’ai tellement mal à la tête que je ne remarque pas comment ce village est spectaculaire. J’ai juste hâte de me coucher, je suis vidé complètement. Tout le monde me demande comment je vais! Ça paraît tant que ça? Douche froide, car la douche chaude ne fonctionne pas. Puis 2-3 garlic soup et 2 litres de lemon tea! Ça aide au symptôme du MAM. Dodo à 20 h sans manger, car rien ne peut entrer dans mon estomac. Impossible de dormir avec ce mal de tête. Je ne fais que reposer mon corps et je suis très inquiet pour le lendemain. 
 
Le matin est superbe, le lever du soleil et la lumière sur le village sont sans pareil. Le bleu du ciel et le blanc des neiges éternelles donnent l’occasion de prendre une multitude de photos. Trente minutes de contemplation de ce superbe paysage sans bouger. J’ai le fixe sur la montagne qui domine Namche Bazar : le Thamserku (6623 m). Ce ne sont pas les plus hautes qui sont nécessairement les plus belles. Le village s’accroche aux parois de la montagne en demi-cercle de façon spectaculaire. Resto-bar, terrasse, Internet, magasins d’équipement et de souvenir; rien ne manque, sauf de l’oxygène! Le mal de tête s’endure. Au repos, au niveau de la mer, j’ai une pulsation de 50 p./min; ici, c’est 120 p./min. Mais, bon signe, j’ai faim! Il faut y aller doucement avec la bouffe, car elle flotte dans l’huile végétale et c’est très propice à la « chiasse ». Beaucoup et encore beaucoup d’eau : 1 litre par 1000 m d’altitude + 1. Si on fait le calcul, à Namche Bazar (3420 m) = 4,5 litres/jour. Il n’est pas surprenant de se lever 2-3 fois par nuit.

Pour la première journée d’acclimatation, nous irons plus haut en altitude (très doucement) pour redescendre plus bas et dormir à Namche Bazar. Il y a deux beaux petits villages qui surplombent Namche Bazar à 3800 m : Khunde et Khumjung. Je dois être honnête, j’ai pris ma première ½ Diamox pour apprécier cette première journée d’acclimatation. Plus on monte sur la montagne, plus on s’aperçoit de la beauté et de la fragilité de Namche Bazar. Ã€ la montée, on croise des porteurs qui descendent la pierre fracassée de main d’homme avec une masse et une tige de fer. Des charges de plus de 80-100 kilos pour de petits hommes d’à peine 60 kilos. La pierre ainsi fracassée et débarrassée fera place à de nouvelles cultures. Cette pierre est descendue au village pour y être taillée à la main en forme de brique pour la construction de murs ou de nouvelles maisons. Le travail des tailleurs de pierre commence à 7 h et se termine à 19 h. 
 
Khunde est un petit village charmant situé sur un plateau à 3840 m. La vue sur les montagnes est extraordinaire. Les tours Kantega, Thamserku et, ma préférée, l’Ama Dablam sont constamment dans notre champ de vision. On est accueillis par des sourires et les rires des enfants. Les dames portent toutes le traditionnel tablier multicolore. D’un signe de la main, on nous invite au repas du midi. Le tenancier est un ancien sherpa de haute altitude qui a fait le sommet de l’Everest à deux reprises ainsi que le Makalu. Pour un tel exploit, c’est plus ou moins 4000 $ le salaire pour risquer sa vie. Construire un petit hôtel restaurant, c’est plus ou moins 5000 $ d’investissement. On assure l’avenir de sa famille au risque de sa vie. 
 
Khumjung (3780 m) est situé tout à côté de Khunde. Plus gros comme village (±2000 habitants) et construit sur une petite étendue plate. Le village est électrifié, et oui, ça semble tellement anachronique de voir des lampadaires sur des routes sans autos. Le village possède plusieurs maisons typiquement tibétaines et est beaucoup plus authentique que Namche Bazar. Sir Edmund Hillary (premier vainqueur de l’Everest) y a fait construire une école en remerciement aux sherpas qui l’ont aidé à réaliser son exploit. L’école se nomme Khumjung High School… sous l’influence néo-zélandaise! Le village possède aussi un magnifique petit monastère datant du 16siècle. On en profite pour faire tourner les moulins à prières en récitant le fameux « Om mani padme hum ». Le monastère renfermerait un scalp de yéti! C’est sûrement bon pour le tourisme!
 
La vue sur cette magnifique montagne, l’Ama Dablam (6856 m), est extraordinaire. C’est la grande dame de l’Himalaya. Retour à Namche Bazar pour le souper et surtout pour boire beaucoup. Croyez-moi, à cette altitude et sans acclimatation, la bière, on n’y pense même pas! Soirée magnifique, les étoiles sont tellement présentes qu’elles sont menaçantes. L’ambiance est magnifique à Namche Bazar. On rencontre toutes les nationalités en train de fraterniser. Je passe une meilleure nuit, mais je ne prends pas de risque, au matin, j’ingurgite la deuxième ½ Diamox.

Pour notre deuxième journée d’acclimatation, nous irons vers Thamo et Thami, et retour à Namche Bazar pour notre troisième nuit. Je ne le dirai jamais assez, le paysage est à couper le souffle. J’aime la montagne et ici, je suis tout à fait émerveillé du spectacle à 360º. En route, on a la chance de rencontrer le médecin de Khunde qui demeure à Thami. Le Dr Kami Tema Sherpa. Il répond à toutes nos questions avec gentillesse. Il est étonnant de constater que les plantes, les herbages et la prière soignent la plupart des maladies. Il a eu la chance de connaître et de rencontrer à plusieurs reprises Sir Edmund Hillary. De plus, sa maison est voisine de celle de Tensing Norgay, le sherpa qui accompagnait Hillary. Il est un véritable héros dans son pays. On n’a jamais su qui, de Hillary ou Norgay, avait atteint le sommet en premier. Le secret demeure à jamais entre ces hommes maintenant décédés. La jeune fille du Dr Kami Tema est toute fière de nous faire visiter son école et leurs travaux scolaires. Le retour se fait tranquillement et j’apprécie chaque seconde de ces magnifiques images. On profite, au retour, du bazar de Namche qui a lieu tous les samedis. À ne pas manquer.

Demain, les choses sérieuses débutent. C’est la route vers Gokyo.
À suivre!

Plus de contenu