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Humour : Pourquoi le CH est au premier rang…

Lundi 4 mars, 6 h 34 du matin. Je suis sur une route de terre située dans une région montagneuse du Tchad appelée Kesschfaihicittmoué, à bord d’une camionnette de fortune (donc, qui vaut pas cher) roulant en direction du village de la tribu des Douminouttpouplonjon. Au volant, mon guide, Pouarié, un natif de la région au sourire contagieux, m’indique en pointant du doigt un chapelet de huttes en bas de la côte. Nous arrivons. Enfin, me dis-je. Après des années de recherche dans les fiches du presbytère, d’archarnement au téléphone pour obtenir des documents et d’insomnie galopante causée par la perte de gros montants en jouant trop souvent à Mise-o-jeu, j’arrivais enfin au légendaire village de Lassouarédouhoké.

Ce lieu mythique n’existant sur aucune carte est le lieu de résidence du grand sorcier Ranélékavalié. Né le 4 décembre 1909, le même jour que la fondation du Canadien, il a vécu une enfance normale pour un garçon du coin, tuant son premier lion à l’âge de 4 ans et se faisant percer la lèvre avec une corne de buffle l’année d’avant. Cependant, un jour de 1916, le petit Rané, alors âgé de 7 ans, a eu une vision étrange alors qu’il se tatouait une patte de tigre dans le front en se regardant dans un étang tout en évitant les piranhas qui lui sautaient à la figure. Quelque chose qu’il n’avait jamais vu : une surface blanche et froide, des hommes avec des couteaux dans les pieds courant après un étrange objet noir, certains d’entre eux portant un chandail rouge avec, sur le ventre, le signe d’une tribu que Rané ne connaissait pas, un C entourant un gros H. Un de ces hommes lance l’objet noir dans un grand filet comme ceux que Rané utilise pour attraper des serpents black mamba afin d’avoir un lunch sur l’heure du midi à l’école. Puis, c’est l’explosion de joie. Les hommes en rouge lancent leurs gants dans les airs et la foule hurle son euphorie. Dans son cÅ“ur, Ranélékavalié ressent une immense fébrilité. Deux jours après cette vision, le Canadien remportait sa première coupe Stanley.  

Le village de Lassouarédouhoké est composé d’une trentaine de huttes faites de paille et de bois.  La plupart sont décorées aux couleurs du tricolore, mais on retrouve aussi celles de Chicago, Détroit, Edmonton…et Toronto, dont la hutte est située près du lieu où les villageois font leurs besoins.  

Pouarié me pointe une hutte, beaucoup plus grande que les autres avec, sur le toit, une antenne parabolique de fortune (mais qui doit quand même valoir cher dans le coin).

– Grand sorcier Ranélékavalié t’attends, me dit mon guide. 

J’entre dans la hutte. Il est là, devant sa télé HD 1080p 47 po présentant le match Canadien-Boston qu’il a enregistré la veille. Derrière lui, tout le village a les yeux rivés sur l’écran et le derrière assis sur des bancs du vieux forum. L’homme de 104 ans, qui porte une casquette des Canadiens de Montréal et un t-shirt rappelant la conquête de la coupe Stanley de 1993, me voit entrer du coin de l’Å“il. Il sourit et fait signe d’approcher.

– La 3e est bientôt finie. Tire-toi une bûche pis prends ça relax, me dit-il dans un québécois très correct.

J’attends donc quelques minutes en silence, observant le sage garder son calme malgré la tension des dernières secondes du match. Sur les murs de la hutte, je vois accroché, à l’aide de punaises faites en dents de chauve-souris, des photos Polaroid de lui avec Toe Blake, Scotty Bowman, Jacques Demers, Sam Pollock, Dick Irvin, Pat Burns… ainsi que Michel Therrien et Marc Bergevin. Ils ont tous l’air en état d’ébriété avancé. Stupéfaction.  

Tout le village sort dans l’allégresse suite à la victoire du CH.  Le vieil homme est seul avec moi.

– Bon, la game est finie, on peut jaser.

J’inspire très profondément, assez pour que mes orteils gonflent.  

– Grand Ranélékavalié, tout d’abord bonjour. Vous êtes ce qu’on appelle un oracle, c’est bien ça?
– C’est ça. Je vois les choses avant qu’elles arrivent. Ç’a commencé un jour en 1916, alors que je me tatouais une patte de…
– C’est correct, je l’ai déjà dit ça. Mais je vois que les dirigeants du CH connaissent votre existence? Comment est-ce possible?
– Ben, je les ai appelés en 1931.
– Ah bon! Et pourquoi?
– Ben, pour leur dire ce qui allait se passer, qu’ils allaient avoir une décennie de vache maigre s’ils ne mécoutaient pas. Y m’ont pas écouté 10 ans de suite. Pendant tout ce temps-là, l’équipe n’a rien gagné. Finalement, désespérés comme ils étaient, ils ont suivi mon conseil d’engager Dick Irvin. Depuis ce temps-là, je rencontre tous les dirigeants de l’équipe chaque saison. On jase hockey, je leur dis ce que j’ai vu et comment ils doivent faire en sorte que ça arrive ou non pis après, on boit comme des trous pis on prend des photos.
– Mais je vois que vous n’avez pas de photos avec Pierre Gauthier, Réjean Houle ou Bob Gainey. Vous ne les avez pas rencontrés?
– Ben oui, j’te l’ai dit : j’les ai tous vus.
– Pourtant, ils ne sont pas sur vos murs!
– Afficherais-tu une photo de toi avec Pierre Gauhtier chez vous?  
– …
– Moi non plus. 
– Donc, cet été, vous avez eu un entretien avec Michel Therrien et Marc Bergevin. Vous leur avez dit quoi?
– C’est confidentiel. J’ai une entente de non divulgation. Désolé. Mais je peux vous dire qu’ils ont écouté la grande majorité de mes conseils, un peu comme Scotty Bowman le faisait. Eille, lui, c’tait tout un numéro avec un 40 oz d’Amarula maison dans l’nez! Mais bref, ils ont compris que j’essaie pas de diriger le club à leur place. Je suis né le même jour que ce club-là, ma vie tourne autour de ses réussites. Quand l’équipe perd, je suis très déprimé, quand elle gagne, je suis le plus heureux des hommes. Bref, j’veux juste que l’équipe aille bien! Mais Pinottes, Gainey pis Monsieur Gauthier n’ont pas compris ça eux autres, surtout Pierre. Innocent.  
– Est-ce que vous avez déjà bu dans la coupe?
– Non. J’aimerais beaucoup ça, mais tsé, y a pas grand joueurs originaires du Tchad dans la ligue. Mais Bergevin m’a promis de venir faire un tour s’il gagne la coupe avec le club. Je le crois. Bref, on verra, mais…

Le vieux sage fixe soudain son regard dans le vide. Ses lèvres bougent, mais aucun son ne sort de sa bouche. Il semble en transe.

– Euh, sorcier Lékavalié?

– … L’an prochain, prends Gallagher dans ton pool

– Ok, mais pourquoi?

– …

– Bon… Grand sorcier, merci beaucoup de m’avoir…

– …La bière va augmenter au Centre Bell…12$ le verre…

– …Ah calvaire !

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