Il y a près d’un siècle maintenant, la planète voyait sa biodiversité affectée par la disparition d’une de ses espèces d’oiseaux. En effet, le 1er septembre 1914, au zoo de Cincinnati, mourait la dernière tourte (ectopistes migratorius) encore existante dans le monde. Pourtant, cette espèce animale comptait, deux siècles plus tôt, parmi les plus abondantes lorsque les Européens sont arrivés en Amérique. Mais que s’est-il passé pour qu’en deux cents ans la tourte disparaisse complètement?
Tout d’abord, ces oiseaux, que l’on confond avec le pigeon ou la tourterelle, étaient vraiment très nombreux; certains spécialistes avancent le chiffre de trois à cinq milliards d’individus! En raison de leur nombre élevé, et surtout dans leurs déplacements (plusieurs millions de tourtes en vol), celles-ci étaient souvent considérées comme une nuisance. Une volée de tourtes pouvait détruire un champ et sa récolte en quelques minutes! Le naturaliste suédois Pehr Kalm, lors de son voyage en Amérique en 1749, mentionne que, lorsqu’une volée de tourtes passe dans le ciel, le soleil s’en trouve caché et tout s’obscurcit. Les branches d’arbres brisent sous le poids de la myriade de tourtes qui y sont juchées.
Pourtant, sa chaire était appréciée par les colons, autant français qu’anglais, qui en faisaient une chasse intensive autant qu’exagérée. Aux États-Unis, à la fin du XIXe siècle, des concours de chasse à la tourte sont organisés et un prix en argent est offert à ceux qui en abattent 30 000 et plus! Rapidement, à cette époque, on remarque cependant une diminution marquée de leur nombre. Il semble que la chasse ne soit pas le seul facteur de la disparition des tourtes; la colonisation et la destruction de son habitat accélèrent le processus.
L’extinction de cette espèce demeure une tragédie pour la biodiversité planétaire. La mémoire collective québécoise et canadienne-française en a gardé un souvenir qui n’est pas près, lui, de disparaître grâce à l’une des recettes les plus typiques du pays : la tourtière! Pâté originellement composé de vraie viande de tourte, la tourtière est aujourd’hui composée de viande hachée et de patates, si l’on vient du sud de la province, ou d’une variété de viandes sauvages (lièvre, chevreuil, orignal, perdrix) et de porc pour ceux qui viennent du Lac Saint-Jean (sujet à débat, même au XXIe siècle!).
Espérons seulement qu’aucun autre animal de la faune nord-américaine ne survive qu’à travers le nom folklorique d’une vague recette…
Liens :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tourte_voyageuse#cite_note-envi_canada-1
http://www.encyclobec.ca/main.php?docid=239