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Je sais que plusieurs seront choqués par mon titre mais il est important de mettre les choses au clair et de savoir à quoi s’attendre d’un outil lorsqu’on décide d’en faire l’usage. Ne me méprenez pas non plus, le rouleau a ses utilités, mais il a aussi ses limites. À titre d’exemple, pour travailler la stabilité et la proprioception il peut s’avérer un outil très intéressant! En revanche, dans l’efficacité à diminuer les tensions musculaires ou à traiter un trouble musculosquelettique chronique, c’est autre chose et voici pourquoi…
Pour commencer, il ne permet pas de travailler avec précision. Le rouleau ne permet qu’un roulement superficiel et grossier et demande la plupart du temps à la personne de se contorsionner pour réussir à le faire rouler, ce qui est loin de permettre aux muscles de se détendre si c’est l’objectif visé. Si vous êtes rigides et que vous avez besoin que vos tissus gagnent en mobilité, c’est d’un massage (exécuté par un thérapeute compétent) dont vous avez besoin et probablement plus d’une séance! Et là vous avez parfois cette personne qui dit « oui mais moi c’est pour travailler sur mes adhérences ». Si vous avez accumulé des adhérences entre les différentes couches de tissus au point que cela vous cause des problèmes, c’est qu’il y a longtemps que votre corps protège la région en question et ce n’est pas en écrasant les tissus superficiels avec un rouleau que vous vous en débarrasserez. Un bon massothérapeute sera beaucoup plus précis et beaucoup plus efficace dans le relâchement de tous les tissus car il prendra la peine de mobiliser chacun de ceux-ci séparément (peau, fascia, muscle). D’ailleurs une autre limite de l’utilisation d’un rouleau est qu’il est difficile de quantifier la pression appliquée, ce qui fait qu’on a soit très peu d’effet car on n’en applique pas assez ou qu’on créé des dommages tissulaires parce qu’on en applique trop. Pour ces raisons, je ne dis pas qu’on ne peut pas prétendre qu’on « désensibilise » une région qui présente une certaine sensibilité mais on ne peut toutefois pas affirmer qu’on a un réel effet thérapeutique significatif.
Je ne dis pas que ça ne fait pas du bien, mais comme je l’explique à mes étudiants; tu peux te contorsionner n’importe comment et dire que tu sens que « ça tire » mais ça ne veut pas dire que tu cibles le bon muscle et que tu n’es pas en train d’irriter d’autres structures par une position contraignante. Ce dernier point, les dommages collatéraux, est un phénomène particulièrement fréquent. Sans le savoir, beaucoup de personnes exécutent grossièrement des exercices d’étirement qui exposent certaines structures articulaires (ligaments, cartilages, etc) à des contraintes mécaniques. C’est même de cette façon, en ayant progressivement affaibli le système articulaire, que la personne se prédispose elle-même à des blessures qui ne sortiront que plus tard, souvent suite à un élément déclencheur. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons décidé, moi, Roberto Poirier et le Dr. Jean Drouin, d’écrire une série de livres intitulée Les exercices qui vous soignent pour que les gens apprennent à faire leurs exercices efficacement et de façon sécuritaire.
La personne qui se tourne de gauche à droite ou qui fait son gros possible pour rester en équilibre sur le rouleau pendant qu’elle se « masse » est tellement concentrée sur son objectif qu’elle est complètement inconsciente du fait que pour y arriver elle doit placer d’autres articulations (colonne, épaule) dans des positions contraignantes. Il arrive même que ce soit justement en se contorsionnant que les gens créent d’autres problèmes, comme l’arrivée inattendue d’une crampe musculaire ou l’irritation d’un nerf. Je vois aussi cela avec les gens qui utilisent une balle pour se masser dans le dos.
En ce qui concerne les gains en amplitude articulaire, si vous voulez augmenter votre flexibilité ce sont des exercices d’étirements que vous devez faire. En effet, pour augmenter significativement l’extensibilité d’un muscle, il faut amener ce dernier en allongement longitudinal maximal et ce non seulement pendant un certain temps mais aussi régulièrement, ce qui veut dire tous les jours! Encore une fois, il faut être aussi spécifique qu’assidu, ce qui est loin d’être le cas pour la majorité des gens.
Dans le cas d’un trouble musculosquelettique, il faut bien comprendre que la présence d’une douleur chronique, par définition qui est récurrente et persistante, signifie la présence de facteurs environnants qui ont créé et qui entretiennent un mauvais fonctionnement mécanique. La posture, le travail, les blessures antérieures et les activités quotidiennes sont des exemples de facteurs en cause et sont même souvent inter reliés. Lorsqu’on veut résoudre un problème, c’est à la source (cause) qu’il faut s’attaquer et non à la finalité (conséquence). Quand quelqu’un vous dit « ho j’ai essayé plein de choses mais il n’y a rien à faire j’ai toujours mal et je ne vois pas de résultats », vous êtes probablement en face d’une personne qui se concentre plus sur son symptôme que sur sa cause réelle de ce dernier et il ne faut pas s’étonner si elle a l’impression d’être emprisonnée dans une roue sans fin. J’espère que vous commencez à comprendre que ce n’est pas en se roulant de temps en temps sur un bout de fritte en styromousse que vos problèmes s’envoleront par magie!
Un exemple inutile de l’utilisation du rouleau pour traiter un trouble chronique est le cas du syndrome de la bandelette ilio-tibiale. Non seulement il est inutile de frotter la bandelette avec un rouleau, parce qu’il s’agit d’une structure non élastique extrêmement rigide (Imaginez-vous en train d’essayer de détendre un fil de pêche de un à deux pouces de large) mais la problématique découle la majorité du temps d’un trouble postural, d’un surmenage, d’une mauvaise technique de course ou d’un défaut d’équipement (ex : chaussure mal adaptée). La bandelette ilio-tibiale joue un rôle postural important dans la stabilisation du genou et c’est pour cela qu’elle est faite de tissus rigides. S’acharner à vouloir la détendre ne peut faire que deux choses : vous irriter ou vous rendre instable au genou. Si votre intention est de diminuer sa tension, c’est sur les fibres musculaires, qui se trouvent en haut, près de la hanche, qu’il faut s’attarder. Et je répète qu’en ce qui concerne les adhérences, c’est en mobilisant individuellement et manuellement les couches de tissus superficiels et profondes par le biais d’un massage spécifique que vous vous en débarrasserez. Dites-vous bien une chose c’est qu’aucun appareil ne remplace la dextérité, la sensibilité et l’intention de la main d’un thérapeute compétent!
En bout de ligne, vous saisissez que lorsque je dis d’arrêter de perdre votre temps avec le rouleau, c’est dans le cas où vous espérez traiter une problématique chronique ou gagner significativement de l’amplitude de mouvement avec son utilisation. Je l’ai pris ici en exemple pour exprimer certains comportements mais cela ne représente qu’un exemple parmi tant d’autres. Ce que je voudrais dans le fond c’est que vous cessiez d’être naïfs et de penser qu’il existe une baguette magique qui efface la douleur et soyez intelligents dans la prise en charge de la santé de votre corps.
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