À LIRE AUSSI : Ne plus être un lâche et savoir appuyer sur la détente
Les enfants ont tellement à nous apprendre. Depuis qu'on a l'âge de comprendre les ordres de nos parents et d'être violés par l'influence de la société, on est de plus en plus aveuglés par cette illusion de plus en plus grosse et opaque : le sérieux.
On veut avoir l'air sérieux, on veut penser sérieusement, on veut marcher sérieusement, on veut parler à des gens sérieux, faire des choses sérieuses et on en oublie l'essentiel : l'émerveillement et la folie.
Un enfant, c'est émerveillé par un ballon. C'est rouge, c'est drôle, ça vole et ça bondit. Plus on vieillit, plus on voit, on goûte, on sent, on touche, on entend et on expérimente, plus on devient « habitués » au monde qui nous entoure et on ne le voit même plus. Ce qui émerveille un enfant nous passe tout droit sous le nez, pendant qu'on marche, pressés par notre hâte engrenée, cellulaire en main, répondant à un courriel sérieux et important.
Il faut réapprendre à être émerveillé.
Rire devant quelqu'un qui glisse sur la glace, rire de soi, faire des grimaces, jouer à la tague, jouer à la guerre des pouces, regarder les nuages, faire un dessin, lancer la balle, courir sans raison, éviter les craques dans le trottoir… les opportunités sont nombreuses pour redécouvrir le monde qui nous entoure depuis si longtemps, mais avec nos yeux d'enfant.
Dernièrement, j'ai remarqué que j'avais vieilli. J'ai beau n'avoir que 22 ans, j'ai tout de même perdu un peu de cet esprit enfantin qui faisait ma joie plus jeune. Lorsque je vais au Biodôme aujourd'hui, je n'ai plus la drive de me jeter à genoux devant la vitrine en riant, les yeux grands ouverts. Certes, j'aime regarder la démarche étrange et rigolote des pingouins, mais je ne me jetterai pas à genoux en courant. Je suis quelqu'un de très enfantin et de relativement fou et dynamique, mais malgré moi, j'ai quand même vieilli un peu.
Il ne faut qu'une marche dans Montréal, un jour de semaine, vers 17 h, pour réaliser à quel point les gens sont sérieux et tristes. On dirait une parade de robots gris, le regard fatigué, ennuyé, cherchant de quoi se distraire, de quoi, enfin, s'amuser. Heureusement, lorsqu'un événement drôle et original se produit, par exemple si un clown s'adonnait à traverser la rue à ce moment précis, il est possible d'entrevoir, derrière le rictus facial qui leur sert de sourire, cette étincelle gamine qui tente de sortir. Les gens sourient, sans savoir pourquoi, et ils ont du plaisir. Malheureusement, quelques minutes plus tard, la grosse voix rauque d'adulte dans leur tête leur dit d'arrêter de rire, parce que n'est pas drôle, que ce n'est plus de leur âge, parce que qui sait ce que les gens vont penser d'eux.
Un enfant se fiche de ce que les gens vont penser de lui. Il a envie de rire, il rit. Il a envie de sourire, il sourit. Il a envie de courir, il court. Il a envie de manger tout un bol de crème glacée, il mange tout un bol de crème glacée. Depuis quand la vie est-elle devenue plus compliquée que cela? Je me le demande chaque jour. Depuis quand sommes-nous obligés de continuellement rationaliser, remettre en question nos envies et nos désirs? Depuis quand sommes-nous obligés de lire le journal, de porter des vestons, de marcher au lieu de courir, d'être sérieux au lieu de rire pour un rien? À quel moment exact dans nos vies l'opinion des autres et la façon dont ils nous perçoivent sont-elles devenues si importantes et décisives? J'ai manqué le mémo?
Les enfants ne sont pas rancuniers. Je me rappelle lorsque j'étais petit. J'avais une chicane avec mon petit frère, on se criait des noms, on rageait; puis, quelques minutes seulement plus tard, j'allais le voir parce que je voulais qu'il joue aux bonshommes avec moi. Il acceptait, et on jouait, avec le sourire.
Depuis quand est-il devenu normal et conseillé d'être rancunier? D'étirer ses émotions sans cesse, jusqu'à ce qu'il ne reste que de l'eau dans le bol de sauce? Pourquoi est-il si difficile aujourd'hui de pardonner?
L'enfant vit dans le présent. Plus on vieillit, plus on est pollué par le passé et par le futur.
Heureusement pour moi, je semble avoir gardé cet état d'esprit. Je vais haïr quelqu'un, puis deux minutes plus tard, je vais vouloir l'appeler pour aller prendre un BubbleTea dans le quartier chinois. J'ai toujours été comme ça, je ne peux pas détester quelqu'un plus d'une minute entière. Bonne ou mauvaise chose, qui sait? Ce que je sais, c'est que, vivant comme ça, je souris davantage que mes amis qui, eux, gardent une hargne envers quelqu'un pour des années.
Depuis quand le sérieux est-il devenu une vertu? Pour l'amour du ciel, réveillez-vous, vous êtes tristes à voir. Portez une cravate rose à pois jaunes, gambadez en allant prendre l'autobus, achetez-vous un ballon, sautez dans les flaques d'eau, jouez aux petites autos. La vie n'a pas changé, c'est vous qui avez changé. Vous pouvez encore avoir autant de plaisir que quand vous étiez petits, alors faites-le.
Être sérieux, c'est surfait. Parce que finalement, la question est toujours la même : qu'est-ce que vous voulez? Sourire plus ou sourire moins?