Cette semaine, nous avons eu droit à une petite chute de neige et tout le monde était fébrile pour la première « tempête de neige » de la saison. Même s’il n’est tombé que quelques centimètres cette fois-ci, je me suis demandé en marchant dans la rue : « est-ce que j’ai encore ça moi des raquettes? ». Force est d’admettre que non et je crois que cela reflète bien la faible popularité de ce noble sport qui était encore assez populaire il y a une trentaine d’années et plus. Pourtant, la raquette, avant d’être un sport, fut un remarquable moyen de transport dans nos « quelques arpents de neige ».
Un legs des Amérindiens
Comme je me plais à le dire souvent, on n’a rien inventé. Dans le cas de la raquette à neige, non seulement ce n’est pas un Français, un Anglais ni un Canadien qui l’a inventé, mais bien ceux qui ont occupé le territoire avant nous : les Amérindiens. Il semble que toutes les tribus d’Amérique du Nord qui goûtaient aux joies de l’hiver connaissaient les raquettes. Celles-ci leur permettaient de se mouvoir efficacement et sans s’épuiser sur de grandes distances. Ce qui est intéressant, c’est que chaque tribu avait développé son modèle de raquette. Aussi, la raquette des Innus était différente de celle fabriquée par les Iroquois ou les Micmacs. On pouvait ainsi déterminer la nation d’un Amérindien ou de quelle région provenait un colon seulement en observant la forme de ses raquettes.
Il existe d’ailleurs plusieurs types de raquettes : en forme de lance, ovales, rondes (ou en forme de poire) ou les huronnes (en forme de feuille). Ces dernières sont les plus répandues, surtout dans l’est du Canada et des États-Unis où la Nation Huronne fit alliance avec les Français et Samuel de Champlain. Les Français adoptèrent ainsi le modèle de raquette de ceux qui leur enseignèrent à survivre dans cet environnement hostile que représentait le Canada pour les Européens au XVIIe siècle. Les coureurs des bois canadiens sont rapidement devenus d’excellents raquetteurs. Cela servit autant au commerce qu’à l’art de la guerre « à la canadienne ». À cette époque, il n’était pas d’usage de faire la guerre l’hiver, mais les déplacements de troupes en raquettes permettaient de porter la guerre et la terreur loin en territoire ennemi en plein hiver alors qu’il ne s’en attendait pas. C’est d’ailleurs ce que fit Pierre Lemoyne d’Iberville en 1690 avec une bande de miliciens en attaquant en hiver la Nouvelle-Angleterre et Terre-Neuve.
La raquette en tant que sport organisé n’est apparue qu’au XIXe siècle. Ce sont des Montréalais anglophones qui fondèrent le premier club de raquette en 1843 : le Montreal Snowshoe Club. Il fut suivi de bien d’autres clubs, dont plusieurs canadiens-français, un peu partout au Canada et aux États-Unis. Il semble que le plus vieux club de raquetteurs au monde toujours en opération aujourd’hui soit celui du Sherbrooke Snowshoe Club, fondé en 1877. Un des membres du club, M. Stephen Moore, m’a raconté qu’une fois par semaine, il y a un souper suivi d’une soirée. Si la température le permet, ils vont faire de la raquette juste avant. Voilà une tradition à préserver à tout prix! Il y avait aussi quatre autres clubs à Sherbrooke, tous francophones, mais ils sont fermés aujourd’hui. Le célèbre Club de raquette La Tuque-Rouge de Sherbrooke était l’un de ceux-là , mais a fermé il y a plusieurs années déjà .
La raquette a commencé à perdre de sa popularité avec l’arrivée d’un autre sport dans le décor au tournant du XIXe et du XXe siècle : le hockey! En effet, à mesure que la popularité du hockey grandissait, celle de la raquette diminuait. Dommage, car la raquette est tout à fait adaptée à un pays qui, comme le dit la chanson de Vigneault, «… n’est pas un pays, c’est l’hiver! ».
Liens :
http://www.gvsnowshoes.com/eng/hist_raq.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Raquette_%C3%A0_neige