« Chroniques du Centre-Sud » : Un portrait unique du quartier mythique de Montréal

Le bison!

Chroniques du Centre-Sud raconte l’histoire de quelques-uns des résidents qui ont vécu dans ce mythique quartier durant les dernières décennies. C’est par les yeux de son voisin du rez-de-chaussée, baptisé affectueusement « le bison bourré » ou simplement « bison », que l’auteur va nous en apprendre davantage sur cette faune colorée. 

Alcoolique invétéré, le bison peut ingurgiter une grande quantité d’alcool comme si ce n’était que de l’eau. Pour financer sa consommation excessive de bière, il parcourt les poubelles et les ruelles de la rue Ontario et des environs en quête d’objets ayant potentiellement de la valeur, comme des grille-pains qui ne fonctionnent pas ou encore des téléphones à roulette sans roulette. 

Son plus grand plaisir est de les entreposer chez lui ou dans la cour du devant en espérant un jour faire fortune. En attendant de devenir riche, il continue d’amasser et de boire. 

Ainsi, plus de la moitié de l’album, intitulé, non sans une dose d’humour, « Traité de Bisonnisme », est consacrée à ce drôle de personnage. La partie suivante de l’ouvrage, qui fait environ une vingtaine de pages, est une présentation des différents commerces ayant existé sur Ontario, comme le marché Boniche où la fraîcheur des aliments est plus que douteuse, ou encore Au coin du cornet, qui ne vend pas de crème glacée comme son nom pourrait le laisser croire, mais des hot-dogs et de la poutine. 

Enfin, la dernière partie du livre présente un faux reportage produit par l’Orifice national du film (vous avez bien lu!), lequel nous livre le témoignage d’un nouvel arrivant du quartier et la façon avec laquelle il s’est intégré et comment, bien malgré lui, il a changé les moeurs du coin. 

Une étude pas vraiment sérieuse mais pertinente

Comme mentionné en introduction, Chroniques du Centre-Sud n’est pas une étude sérieuse. Il suffit de lire la première page pour s’en convaincre. Par contre, même si certains éléments du quartier sont tournés en dérision, cette bande dessinée permet aux non-initiés de connaître un peu la dynamique qu’avait à une certaine époque ce quartier. 

Sans dire qu’il rend hommage à ses habitants, Richard Suicide nous fait prendre conscience, avec un humour toujours aussi coriace (on rit à quelques reprises de bon coeur), que les gens qui vivaient dans le Centre-Sud étaient des éclopés de la vie, laissés à eux-mêmes par les autorités. 

Des personnages au style unique

Du point de vue graphique, la singularité des personnages détonne avec les décors plus sérieux et conservateurs. Ce savant mélange permet à l’oeuvre de plaire autant aux lecteurs en quête de bandes dessinées alternatives qu'à ceux qui recherchent un ouvrage plus conventionnel. 

En ce qui me concerne, au début de ma lecture, j’ai été, je dois l’avouer, un peu déstabilisé par ce style éclaté, mais je m’y suis rapidement habitué, si bien qu’à certains moments, je me suis attaché à ces drôles de personnages qui n’ont pourtant rien pour plaire. 

Verdict 

Richard Suicide, avec Chroniques du Centre-Sud, permet de nous faire (re)découvrir avec son style bien à lui l’un des quartiers les plus complexes et sensibles de la métropole, et qui a connu nombre de transformations durant les dernières années. Bref, il s’agit là d’une oeuvre clairement à part dans le paysage de la bande dessinée francophone. 

Cote : 4 étoiles sur 5

Éditions Pow Pow