Potosí est une ville de Bolivie rendue célèbre pour ses mines d’argent. Le revers de la médaille c’est que des milliers d’Amérindiens sont morts dans ces mines pour tenter de récolter le métal précieux, depuis l’arrivée des conquistadors espagnols en Amérique du Sud. Le Monde du dessous, adapté du roman d’Anne Sibran et illustré par Didier Tronchet, tente de nous raconter le quotidien de ces mineurs.
Le diable s’y cache
Augustin Osorio est un Amérindien qui habite dans un village à proximité de la mine d’argent de Potosí. Depuis qu'il était tout petit, il a vu tous les hommes de son village s'engouffrer dans ses profondeurs.
Selon la croyance populaire, la mine serait habitée par le diable en personne. Les mineurs croient tellement à ce mythe qu’ils ont fait installer une statue de lui dans la mine. Avant chaque début de quart de travail, les pauvres hommes lui rendent hommage en espérant qu’il soit clément avec eux.
Il faut dire que la mine est extrêmement dangereuse et que les siècles d’exploitation l’ont vidé complètement de ses ressources. Malgré cela, les habitants du village voisin n’ont d’autres choix que de plonger quotidiennement dans les profondeurs de cet enfer dans l'espoir de trouver un filon d'argent qui les rendrait riches.
L’album commence alors qu’Augustin revient dans son village. Il est maintenant devenu un homme et semble être investi d’une mission. On ne sait pas trop laquelle, mais ça a un rapport avec les profondeurs de la mine. Cependant, avant de s’y rendre, il va nous expliquer son enfance et comment il a eu trois pères.
Oui, vous avez bien lu. Mais c’est loin d’être le seul élément « fantastique » du récit. D’ailleurs, j’ai trouvé que Le Monde du dessous mélangeait, avec une facilité déconcertante, le surnaturel et la réalité. Anne Sibran revisite une partie de l’histoire de l’exploitation des autochtones en Bolivie, tout en y donnant une couleur bien particulière.
En ce qui a trait aux illustrations, le trait gras de Didier Tronchet restitue à merveille tous ces mythes et ces légendes, sans ne jamais tomber dans les couleurs trop sombres. C’est même souvent le contraire. Par exemple, les scènes se déroulant dans les mines sont empreintes d’une teinte rougeâtre qui rappelle plus la chaleur de l’enfer que la noirceur d’un trou sans fond. L’histoire est évidemment assez triste, mais on dirait que son dessin réussit à balancer le tout, ce qui donne au final un album ni trop déprimant ni trop optimiste.
Verdict
Malgré tous ses aspects fantaisistes et un dessin assez libre, Le Monde du dessous est un album qui nous émeut en nous racontant le triste quotidien de gens qui n’ont rien demandé, mais qui doivent quand même frôler la mort tous les jours pour tenter de mettre un peu de pain sur la table. Je connais peu de gens qui aurait eu leur courage!
Le Monde du dessous
Anne Sibran, Didier Tronchet
64 pages
Casterman
Cote : 4 étoiles sur 5