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Critique de « Killer is Dead » : L’oreille de Van Gogh

Si tu lis ces quelques lignes, c’est que tu es certainement sadomasochiste. Pas au plus haut niveau, genre coup de fouet, douleur et plaisir indissociable pour toi, non. Peut-être juste un peu. Mais tu l’es quand même, avoue?

Qui a dit que l'histoire devait avoir du sens?

Dans Killer is Dead (KiD), le joueur incarne Mondo Zappa, un playboy chasseur de monstres affublé d'un katana et d'un bras robotisé. L'arme blanche lui servira pour les affrontements au corps à corps alors que son bras métallique lui permettra de tirer des projectiles pour les phases de combat à distance. Notre tombeur de ces dames travaille pour une agence qui offre ses services dans le but de régler les problèmes des gens. Et par problèmes, je parle ici de monstres tout droit venus de la face cachée de la Lune.

Je ne sais pas si Pink Floyd est en cause ou constitue une inspiration quelconque, mais une chose est sûre, le psychédélique n'était pas trop loin au moment d'écrire les bribes du scénario de ce titre de Grasshopper Manufacture. Un scénario bien mince, soit dit en passant.

On passe d'une enquête à l'autre avec pour seul fil conducteur que le vilain à abattre est envoyé par un méchant ultime caché sur la Lune et qui se promène habillé de façon non conventionnelle. Tu peux être un boss ultime et aimer le cuir, le doré et la brise du vent qui caresse ton musclé fessier, n'est-ce pas?

Cela étant dit, l'histoire du titre nippon est une suite de bribes éclectiques complètement incompréhensibles ensevelies sous des tonnes de bla-bla métaphoriques et référencées au maximum de trucs pris ici et là dans la culture populaire.

Prenez votre cerveau, passez-le au broyeur et tentez après quelques minutes de remue-méninges de reconstituer celui-ci dans votre boîte crânienne. Impossible. Eh bien l'histoire de Killer is Dead, c'est à peu près ça, mais en pire.
 

Et la torture physique maintenant

Déjà, poursuivre votre aventure sur KiD vous semble désagréable, mais vous n'y avez pas joué encore. Pas réellement du moins. Arrivé sur les lieux de votre enquête, vous aurez à combattre vos adversaires. Ils ne seront jamais bien nombreux à vous attaquer à la fois, cinq ou six tout au plus. Normalement, dans un jeu de baston, ça ne devrait pas être la mer à boire que d'en venir à bout. Pourtant, ce sera le cas dans KiD. Pas parce que le niveau de difficulté est trop élevé, mais parce que la prise en main du jeu est compliquée au possible.

Premièrement, votre caméra aura tendance à se positionner très près du personnage au niveau de ses fesses (on croirait une fixation), défaut qui vous nuira dans votre compréhension du rythme des attaques de vos opposants. Le rythme, c'est tout dans ce type de jeu. Le rythme, c'est ce qui vous permet d'esquiver l'attaque. Le rythme, c'est ce qui vous permet d'engendrer des contre-attaques dévastatrices, de réaliser vos combos. Vous croyez que vous acharner frénétiquement sur les boutons de votre manette, au hasard, suffira pour vous sortir du pétrin? Si c'est ce que vous croyez, c'est que vous n'avez pas saisi l'essence du beat'em up ou que vous faites partie de l'équipe de développement de KiD.

Parlant de combos, ceux-ci sont extrêmement compliqués à déclencher. Comme si, volontairement, les créateurs du jeu avaient voulu nous empêcher de les utiliser. Je me demande même si réellement ceux-ci ont été activés dans le jeu ou s'ils ne faisaient qu'office de leurre pour nous faire croire en une profondeur de game play. Je ne sais pas, mais mes doutes sont grands.

Comme si ce n'était pas déjà assez, le jeu se voit régulièrement être la cible de ralentissements. Si le titre nous proposait des combats colossaux contre des dizaines d'adversaires, je serais indulgent, mais contre 5 ou 6 tas de pixels malicieux, c'est inacceptable.

Femmes-objets et quêtes annexes

Killer is Dead nous offre, en marge de sa trame narrative principale, quelques quêtes annexes. Celles-ci ne seront pas plus glorieuses que le reste du titre. En premier lieu, les missions gigolos. Avant de vous parler du principe de ces missions, je me dois de vous informer que Mondo, notre personnage, est habité par une capacité spéciale peu commune. Je dirais même que c’est du jamais-vu ailleurs. Ce talent, c’est de pouvoir dénicher des armurières en un simple coup d’œil. Jamais votre avatar ne se trompe. Chaque fois qu’il courtise une dame, s’il parvient à conquérir son cœur l’instant d’un soir, la belle lui offrira toujours une amélioration pour son bras bionique. Chaque fois! Sacré don quand même!

Les missions gigolos, c’est ça. Remplir une jauge de confiance à coup de regards sur les qualités de la demoiselle sans que celle-ci ne trouve Mondo trop effronté. Est-ce plaisant? Non. Mais comme c’est obligatoire et que ça nous permet de mettre la main sur des armes plus puissantes qui font que l’on peut avancer plus loin dans le jeu, on fait avec. La première fois que j'ai été confronté à cette phase de jeu, un seul mot m'est venu en tête : pourquoi?
 

Vide comme la face cachée de la Lune

KiD peut se targuer d'une chose, il nous fait visiter des environnements jamais vus ailleurs. Une visite en des lieux qui auraient pu être intéressants si seulement le vide n'avait pas été aussi présent.

Avec son style visuel particulier, Killer is Dead aurait eu avantage à compenser avec des environnements riches et remplis de vie. On a trop souvent l'impression que le jeu attend que nous passions les cadres de portes pour déclencher de nouveaux éléments. Techniquement, c'est une notion qui est aussi utilisée dans les Call of Duty de ce monde. Le but toutefois, c'est de masquer la chose pour que le joueur ne le ressente pas. Ici, c'est un échec.

Autre particularité, le joueur est censé « enquêter » pour dénicher les monstres qui attaquent les victimes qu'il tente d'aider. Disons que cette notion est caduque; si une porte est fermée, vous ne pouvez pas l'ouvrir. Ça limite les options de recherche un brin. D'ailleurs, être le méchant ultime du jeu, j'aurais fermé les portes de mon manoir et j'aurais attendu que Mondo meure de faim en boule dans un coin.

Et hop, le tour est joué! J'aurais trop la classe comme boss.

Suda 51, génie ou folie?

C'est ici que se conclut ce test. Une épreuve, vous l'aurez compris. Et une interrogation me vient : est-ce que Suda 51, le créatif derrière cette œuvre, est à considérer comme un génie? Car l'homme a à son actif quelques titres intéressants : Killer 7, No more heroes, Shadow of the damned et Lollipop Chainsaw. On se rend compte que Goichi Suda, alias Suda 51, et Grasshopper Manufacture ont été autrefois en mesure de créer des univers décalés, parfois durs d'approche, mais qui fonctionnaient. Pourquoi, cette fois, l'échec est au rendez-vous?

Suda 51 est peut-être quelque chose comme un Van Gogh. Un être empreint d’imagination, de bribes de génie et d'excès pouvant laisser place à la folie. Le peintre a bien fini par se couper une oreille dans une passe obscure de sa vie. Killer is Dead pour Goichi, c'est peut-être ça, l'oreille qu'il se coupe. Son excès de génie, son excès de folie.

Ne dit-on pas qu'à force de jouer avec le feu, on finit par se brûler?

Verdict

Killer is Dead est rempli de beaucoup trop de failles pour que je puisse vous le recommander. Peut-être, si vous êtes un admirateur fini de Suda 51, l'aventure peut vous interpeller assez pour vous y risquer; sinon, je vois mal quelqu'un sortir satisfait d'une balade dans ce beat'em up. Des problèmes techniques, une histoire floue et des environnements vides, ce sont toutes des choses que vous croiserez dans le titre de Grasshopper Manufacture, et ce, autant sur PS3 que sur XBox 360.

Ce que vous aimerez :

– Les graphismes peuvent flatter la rétine selon les goûts.

– L'univers nouveau

Ce que vous n’aimerez pas :

– Les ralentissements

– La caméra déficiente nuisant à la jouabilité

– Les environnements vides

– Les nombreuses femmesobjets

Note : 4 sur 10

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