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Il faut dire aussi que la culture physique est un sport méconnu dont peu de gens comprennent l’essence. Le fait que la performance athlétique prend une tournure plus artistique et qu'elle est remplacée par la capacité de sculpter un physique aux proportions parfaites puis de le présenter ensuite sur scène en laisse plus d’un perplexes. Ce n’est effectivement pas donné à tout le monde de comprendre et d’apprécier ce « culte du corps » que l’homme a prôné à travers les siècles depuis l’antiquité grecque et qui exprime cette admiration pour la splendeur du corps humain. Ironiquement, la beauté d’un corps ne laisse personne indifférent, car à l’intérieur nous sommes tous attirés par ce qui est beau et intrigués par ce qui est physique. C’est un peu l’objectif double du culturiste qui n’a pas seulement comme tâche de travailler son physique par le biais d’un entraînement spécifique, mais aussi d’être en mesure de l’exhiber au meilleur de sa capacité sur scène.
Il ne faut pas oublier qu’il fut un temps où la culture physique était synonyme de santé et d'idéal à atteindre. À cette époque, non seulement les hommes respectaient les athlètes, mais ils voulaient ressembler à des culturistes comme Steve Reeves et en étaient inspirés! C'est ce respect de la communauté qui s’est perdu au fil des années et qui a fait place à un stéréotype plus négatif que positif de nos jours… nous sommes plutôt à l’époque où le culturiste est davantage considéré comme un monstre (freak) que comme un idéal à atteindre.
En effet, et particulièrement depuis les années 80, l’abus de drogues et d’autres substances illégales a fait des ravages et a changé l’image de la culture physique. Les athlètes ont repoussé les limites du développement musculaire et ressemblent pour la plupart davantage à des caricatures de superhéros de bandes dessinées qu’à des sculptures grecques. Comme dans bien d’autres sports (et la population commence à peine à s’en rendre compte), l’appât du gain a dérouté les athlètes de ce qui, au départ, était la recherche d’un équilibre tant intérieur qu’extérieur. Évidemment, plus les années avancent et plus les athlètes cherchent de nouvelles drogues pour dépasser leurs adversaires. C’est pour cela que l’attrait de la population a tant diminué et que la culture physique a perdu de son lustre. Le respect et l’admiration qu’inspiraient des modèles tels que Steve Reeves et Arnold Schwarzenegger ont été remplacés par une attitude répulsive et une réputation de mauvais goût. L’artiste d’autrefois s’est transformé en pharmacie ambulante et la majorité des culturistes professionnels d’aujourd’hui ne personnifie plus l’image de l’athlète en santé capable d’exécuter des prouesses ou une activité sportive quelconque.
On ne se le cachera pas, aujourd’hui la culture physique est malade et peu de gens s’y intéressent vraiment. L’abus de drogues a totalement changé le look de la culture physique et la plupart des gens qui s’entraînent, sans même penser à la compétition, sont plus à la recherche d’un développement absolu et démesuré de masse musculaire que d’un idéal harmonieux d’esthétisme.
La réputation des culturistes est entachée et les athlètes ont perdu leur crédibilité auprès du public au point où même ceux qui, comme moi, prêchent et pratiquent la culture physique sans drogues ont de la difficulté à la faire valoir. Heureusement, il y a des gens qui tentent de renouer avec les racines de la culture physique qui se voulait une ode à la santé et à la beauté du corps. C’est pourquoi Physique Canada, une fédération de culture physique à but non lucratif, a décidé de prendre les choses en main et de s’engager fermement dans la promotion de valeurs saines et d’un sport « propre » avec, entre autres, des concours respectant les mêmes critères de rigueur que les autres disciplines sportives de haut niveau en ce qui a trait aux règlements et aux tests antidopage. Je vous l’affirme donc, il y a encore des personnes qui sont conscientes que la santé n’a pas de prix (surtout pas pour un simple trophée) et qui prônent les valeurs qui étaient à la base du sport avant que les drogues ne changent son image à jamais.
Physique Canada est, par ailleurs, la seule fédération qui ose poser toutes les actions nécessaires à l’obtention d’un sport véritablement équitable, comme le respect à la lettre du code de l'AMA (Agence mondiale antidopage). C'est aussi la seule qui réalise des tests aléatoires tant en compétition que hors compétition pour s'assurer de l'intégrité de ses athlètes d'élite. Pourquoi j’apporte ce point? Parce que malheureusement, la réalité, c’est que de nombreuses organisations prétendent être « anti-drogues », mais ne se servent de cette image que pour faire de l’argent avec tous les culturistes qui se cachent derrière leur masque et qui perpétuent ce stéréotype du culturiste qui fait l’usage de substances illégales et que personne ne croit lorsqu’il tente de s’en tirer en affirmant qu’il ne « prend rien » pour ne pas choquer les gens autour de lui. Pourquoi? D’une part, parce que c’est extrêmement exigeant et dispendieux de respecter et d’appliquer un code aussi rigide que celui de l’AMA et que les promoteurs veulent faire de l’argent sans avoir à se casser la tête. D'autre part, beaucoup d’organismes craignent aussi la mauvaise publicité, les représailles juridiques ou ne veulent tout simplement pas y mettre les efforts, et enterrent les résultats de tests positifs. Et détrompez-vous si vous croyez que ce comportement se limite à ce sport! C’est comme ça partout et plus il y a de l’argent en jeu, plus ça risque d’arriver…
Cet été, j’ai été promoteur avec Serge Moreau du premier concours de Physique Canada au Québec, le concours XPN. Malgré le succès de l’événement, nous avons aussi vécu une autre première : le tout premier test positif de dopage en 3 ans d’activité! Cette surprise marquante a presque fait encore plus parler d’elle que le concours lui-même, car non seulement nous avons pris un tricheur sur le fait, mais nous avons aussi respecté notre promesse en exposant la chose au grand public! La quantité de commentaires sur les médias sociaux était étonnante à la suite de cette annonce.
Ce phénomène maintenant commun montre à quel point l'abus de drogues et le manque d’éthique sont de réels problèmes dans notre société actuelle. C’est même devenu une pratique courante. Ceux qui prennent « moins » de drogues et qui ne se sentent pas assez compétitifs contre ceux qui investissent des milliers de dollars dans leur pharmacie se tournent vers les fédérations qui s’affichent comme étant « pro-naturelles » et se consolent en se disant que des culturistes qui ne prennent pas de drogues, ça n’existe pas et que comme eux, ce ne sont que des gens qui en utilisent et qui mentent… mais il y en a et plus qu’on ne pourrait le penser.
Le monde est infesté de tricheurs qui se convainquent que « tout le monde le fait de toutes façons » ou qui se disent tout simplement « tant que je ne me fais pas prendre » et c’est à eux qu’on doit cette réputation maintenant établie. La décision de prendre ou non des drogues est personnelle, mais il faut savoir assumer son choix et ses conséquences. Mentir à quelqu’un, c’est autant manquer de respect envers les autres que d’intégrité envers soi-même. Lorsqu’une personne qui prend des drogues décide de se présenter à un concours « naturel » alors qu’il existe déjà des concours non testés pour ce type d’athlète, c’est aussi pathétique et malhonnête que de prendre la place de stationnement d’un handicapé pour être plus proche en se disant « j’aurai juste à sortir en boitant ». C’est espérer berner la personne devant soi en tenant pour acquis que celle-ci est assez naïve (pour ne pas dire stupide) pour croire ce qu’on lui raconte, et ce comportement infantile est aussi sournois et immature que celui du jeune qui n’a pas encore 18 ans et qui veut à tout prix trouver un moyen de berner le commis au dépanneur pour s’acheter de l’alcool ou du tabac. Mais le commis chez Physique Canada n’est pas stupide et le message envoyé est simple : si vous avez fait le choix de prendre des drogues pour arriver à vos fins, ne vous présentez pas au concours, car vous serez démasqué et exposé au grand public! Vous ne faites que polluer le monde de la culture physique et salir votre réputation.
En ce qui nous concerne, les résultats du concours ont été amendés (avec destitution du titre et dénonciation de l’athlète), un avis public a été publié, la sanction prévue (expulsion) a été appliquée et la vraie médaille d’or sera envoyée au véritable vainqueur. La seule chose que nous ne pouvons malheureusement restituer, et c’est là toute la tristesse de l'histoire, c’est le plaisir de savourer le moment présent que méritait cet athlète à qui revenait finalement la victoire.
Au bout du compte, même si, à première vue, ce n’est pas agréable de se rendre compte que celui à qui on a remis une médaille nous a menti, le fait d'avoir enfin un premier test positif nous a permis de nous en servir pour mettre les choses au clair publiquement. C'est paradoxal, mais nous avions presque besoin d'attraper un tricheur pour montrer qu’il y a encore des gens intègres et passionnés qui tiennent à garder leur terrain propre! Cela nous a aussi permis de prouver que nous possédons un solide programme de lutte contre le dopage et que nous tenons nos promesses. C’est une simple question de crédibilité.
Je me suis investi dans Physique Canada dès ses débuts et j’ai soutenu le concours XPN parce que je voulais donner la chance à ceux qui, comme moi, désirent se mesurer à des compétiteurs qui ont fait le choix de faire la promotion de ce que la culture physique est supposée exhiber à la base : un corps en forme et en santé. J’espère donc que cet événement et cet article auront su en faire la preuve, en plus d’en faire réfléchir quelques-uns. Pour ceux que le sujet intéresse, je vous suggère de lire mon article intitulé : « D’où vient cette fascination pour le culturisme? » et de visiter le site de Physique Canada.
Note : La photo ci-dessus est tirée de ma performance de l'an dernier lorsque j'ai remporté le Championnat Élite de Physique Canada.