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Entrevue d’humoriste à humoriste : spécial « les filles en humour » – partie 1

Q : L’humour est-il encore perçu comme un milieu d’hommes? Est-ce que c’est encore vu comme un métier non traditionnel pour une femme? 
 
Cathleen : C’est un métier « non traditionnel Â» dans la mesure où il y a moins de femmes que d’hommes. Et pour les mêmes raisons, c’est aussi un métier vraiment le fun pour nous, les femmes. Parce qu’on est toujours entourées de nos collègues masculins qui se promènent en bobettes dans les loges, « wink-wink Â»! (Sourire)
 
Q : Pour une fille dans ce milieu, est-ce qu’on doit davantage travailler pour faire ses preuves? 
 
Korine : Au début, avec ma belle naïveté de « tout le monde est pareil. L’être humain ne fait qu’un. La paix sur la Terre bla-bla-bla… Â», je pensais que non! (Rires) Et je pensais que tout le monde pensait comme moi! Je me suis rendu compte que dans le milieu, il y a encore des préjugés par rapport aux filles. Il y a des contrats que je n’ai pas eus parce que je n’étais pas un gars. Je ne suppose pas, je me le suis fait répondre : « On aimerait mieux un gars Â»!  C’est clair que je suis déçue dans ces moments-là, mais je ne m’arrête pas à ça. Je vais répondre à coup de gags et de projets qui fonctionnent pour montrer que je travaille bien. Donc, dans ce cas-ci, oui je travaille plus pour faire mes preuves.

Q : Une des pires choses qu’on peut entendre lorsqu’on est une fille dans le milieu?

Korine : Je n’aime pas me faire dire : « On t’a pris parce qu’on avait besoin d’une fille. Â» Je pense que ça me choque encore plus que de me faire dire que je ne suis pas un gars. On dirait que j’ai la job par défaut et c’est très peu valorisant. Je pense que des fois, c’est juste de la maladresse de le dire comme ça. Je passe mon temps à le dire, « un Â» ou « une Â» humoriste, c’est un métier unisexe. On n’a pas besoin de l’accorder.

Q : C’est vrai que souvent on parle des filles en humour comme si c’était une seconde catégorie. On ne devrait pas plutôt dire « les humoristes », peu importe le sexe?

Mélanie : Je ne me suis jamais vue comme une seconde catégorie. Au même titre qu’une coiffeuse n’est pas une seconde catégorie de barbiers… Ce n’est pas une compétition. Si j’embarque sur une scène et que je te fais rire, tant mieux! On n’est plus à la maternelle. On s’en fout que j’aie un « vagin Â» ou un « pénis Â» pour avoir le droit de jouer avec toi! 

Q : Est-ce qu’on n’est pas tannée à un moment donné de se faire dire « tu es drôle pour une fille Â»?
 
Silvi : C’est clair qu’on est tannée! Ou les gens qui pensent être gentils en nous disant : « Moi, d’habitude, les filles en humour, j’aime pas ça. Mais TOÉ TOÉ t’es drôle! » Je comprends que ça se veut gentil pour nous, mais c’est très insultant pour la gent féminine.
 
Q : Est-ce que c’est plus difficile pour une fille de faire de l’humour dans les bars? 
 
Annie : Non, ce n’est pas plus difficile de faire de l’humour dans les bars pour une fille. C’est un peu plus difficile pour quiconque a plus que 35 ans, je pense… mais juste un brin. Il y a des épais saouls partout. Il y en aura toujours des gens pour crier : « montre-nous tes boules! Â» (Sourires) 
 
Cathleen : Pas vraiment, non. Le jour où, pour faire de l’humour, il faudra lever un « 2 X 4 Â» à bout de bras en tirant un autobus avec ses cheveux, LÀ, on pourra dire que c’est plus difficile. Bien sauf pour moi, parce que je suis vraiment musclée, et que je suis aussi un ninja.
 
Q : Pourquoi beaucoup de filles en humour n’ont souvent pas d’enfants? Est-ce que ce milieu impose implicitement de faire un choix entre la carrière et la vie de famille?
 
Silvi : Haaaaaa… Ça, ça me fait paniquer un peu beaucoup! Je viens d’avoir 30 ans et plus ça va, plus je me rends compte que je veux avoir des enfants. Mais on n’a « AUCUN Â», mais « AUCUN Â» modèle québécois. On n’a jamais vu une humoriste, féminine, établie, qui a eu des enfants en même temps qu’elle développait sa carrière. Elles ont soit commencé une fois leurs enfants rendus ado, ou bien elles n’ont tout simplement pas eu d’enfants! C’est extrêmement freakant! Tout le monde dit : « Ha, le best, c’est d’attendre que tu aies sorti un premier one woman show Â». Je veux bien! Mais je vais le sortir dans combien de temps? Dans 3 ans? 5 ans? 10 ans?… Est-ce que je prends la chance d’attendre à 40 ans avant d’avoir un enfant?! Bref, comme vous pouvez voir, ce sujet-là vient vraiment me chercher! (Rires)
 
Q : Est-ce que c’est possible de quitter le milieu un an ou deux pour avoir des enfants? Ou ce départ pourrait possiblement te coûter ta carrière?
 
Silvi : Moi, je pense que c’est vraiment de prendre une chance! Pour faire ça, je crois qu’il faut avoir de « TRÈS TRÈS BONS Â» fans! Et même avec de bons admirateurs, je crois que pendant le un ou deux ans d’absence, tu dois donner signe de vie un peu. D’être active sur les réseaux sociaux, de faire des apparitions ici et là, sur le Web, la télé, la scène, etc. Mais disparaître pendant un an complètement? Le retour doit être très difficile. Tu dois avoir l’impression de repartir à zéro.

Q : À quel point c’est important d’avoir des filles dans le milieu de l’humour?

Mélanie : Plusieurs sociologues vont dire que l’humour est en quelque sorte le reflet de la société. Dans cette optique, la présence des femmes en humour est primordiale, car l’humour sans femmes serait le reflet d’une société malade ou 100 % gai. (Sourire)

Q : On parle beaucoup des filles en humour. On en parle parce que c’est important ou parce qu’on veut être politicly correct par peur d’être perçu comme sexiste? 

Korine : Ce n’est pas pour être politicly correct je crois. C’est parce qu’ils soulignent l’absence des filles en humour et rien d’autre. Ils n’interviewent pas les filles en humour. Ils demandent l’opinion de gens qui ont déjà une opinion là-dessus. Et ce n’est pas par peur d’être perçu comme sexiste, en fait, ça fait l’effet contraire. Pointer quelque chose fait que les gens s’arrêtent pour le regarder. Je pense que le public n’en aurait pas fait de cas si ce n’était pas autant souligné comme un problème.

En fait, ce sont les médias qui en parlent. Ils sortent ça une fois de temps en temps pour… je ne sais pas trop pourquoi en fait! (Rires) On le remarque souvent quand la liste d’animateurs de gala sort ou quand ils voient les nommés du gala Les Olivier. On peut lire souvent : « Ã§a manque de filles! Â», « où sont les femmes? Â». C’est triste de lire ça quand tu es dans le milieu. Tu as le goût de dire : « Ben on est là! Juste ici, regarde! Â»

Q : C’est pourtant un fait que nous sommes moins nombreuses en humour…

Korine : Oui, il y a moins de filles connues en humour et c’est normal. Comme il y a moins de filles monteuses de lignes pour l’Hydro! Comme il y a moins d’infirmiers ou d’hommes qui travaillent dans un bureau d’assurances. Ma cousine est dans ce milieu-là. Je pense que le ratio est de 3 hommes pour 200 femmes. Et personne n’en fait de reportages! Mais des humoristes femmes, il y en a beaucoup dans la relève. On est une bonne gang qui arrive. Laissez-nous le temps de nous faire les dents dans les bars et les corpos!

Bientôt la suite de cette palpitante entrevue. C’est à suivre sur le même « Bat Site Â», sur la même « Bat Page Â» (sourire).

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