Entrevue d’humoriste à humoriste : spécial « les filles en humour » – partie 2
Auteur: Maude MorissetteQ : Est-ce que c’est à la mode d’être une fille en humour?
Silvi : Selon moi, ce n’est pas une question de mode. Je serais curieuse de voir les statistiques, mais il y a définitivement plus de filles en humour qu’il y a 20 ans. Donc, je crois que plus ça va, plus les filles voient que c’est possible de faire ce métier.
Q : Est-ce vrai que pour plaire, il faut souvent se masculiniser sur scène (par exemple par les vêtements, les propos, l’attitude, etc.)?
Cathleen : Oui, absolument. D’ailleurs, moi, je n’hésite jamais à me pogner la poche en crachant par terre dès que j’entre sur une scène. Et je fais des vidanges d’huile à des tanks.
Kim : En général, les gens ne sont pas encore à l’aise que les filles soient très féminines sur scène. Les femmes se comparent, tandis que les hommes détournent leur attention de tes propos… Sur scène, j’ai encore le réflexe de me mettre en jeans, t-shirt, de ne pas trop me maquiller, de m’attacher les cheveux… Ce que je ne fais vraiment pas à la télé, dans les galas ou dans la vie de tous les jours. C’est encore un conflit peut-être… Est-ce qu’on peut être jolie sur scène sans se faire traiter de « poupoune » sans profondeur?! C’est toujours à double tranchant, je crois. De toute façon, quand ça va bien, on va répondre que c’est parce que tu es belle et si ça va mal, que c’est parce que tu es trop belle! Quand tu as du succès, ça devient extérieur à toi. Et quand tu vis un échec, c’est à cause de ton apparence comme fille!
Q : Est-ce que ça prend plus de temps pour une fille en humour de percer, versus un homme?
Isabelle : Toujours, à mon humble avis. La plus importante différence entre le cheminement d’une femme et celui d’un homme en humour, c’est le droit à l’erreur. Les femmes sont souvent naturellement plus exigeantes envers elles-même, elles veulent être parfaites! Mais être parfaite, ce n’est pas drôle. D’autant plus qu’il y a si peu de filles en humour qu’elles se démarquent sans même le vouloir. Dans un spectacle, on se souvient toujours de notre préféré, du moins bon de la soirée et de la fille. Bref, nos bons, tout comme nos mauvais coups, sont plus souvent remarqués. Les filles ont donc moins le droit à l’erreur.
Q : Est-ce qu’on pardonne aussi bien à une fille qu’à un gars, pour un faux pas dans le milieu? Est-ce qu’on nous donne autant le droit à l’erreur?
Korine : Ça, je dirais que non. Et c’est bien la seule fois où je vais séparer les deux sexes! (Rires) Comme le préjugé de « la fille pas drôle » plane encore pas mal, si je me plante dans un show, je le sais que je n’ai pas fait avancer la cause! (Rires) Quand ça va mal dans un show et que je n’arrive pas à faire lever le public, je sors en me disant : « Désolée les filles, je ne vous ai pas aidées ce soir. » Un gars va trouver ça aussi difficile si son numéro ne fonctionne pas un soir. Il va vivre la même chose que moi. Mais personne en sortant de la salle ne va dire : « C’est sûr que ce n’était pas pour être drôle, c’était un gars! » Elle est là la différence. Une fois de temps en temps, je me dis que d’avoir fait rire une foule vient peut-être d’enlever certains préjugés à quelques personnes et ça, ça me fait plaisir.
Q : On demande beaucoup aux hommes d’être drôles pour nous séduire. Est-ce que les hommes à leur tour sont facilement séduits par une fille drôle?
Mélanie : Je ne sais pas. Il faudrait demander aux hommes. La séduction, c’est subjectif… Quand je séduis quelqu’un, je ne sais jamais si c’est parce que je suis drôle, parce que j’ai un beau sourire ou parce que je suis disponible à 3 h du matin!
Q : En amour, est-ce que c’est difficile pour l’autre que tu sois souvent le centre d’attention? Est-ce que les hommes vivent bien le fait que leur conjointe soit sous les feux de la rampe et fasse de l’humour?
Mélanie : Pour certains hommes, c’est peut-être difficile. Mais en tant que célibataire, j’ose espérer que la plupart des hommes sont heureux de voir leur blonde faire ce qui la passionne. Sinon, je vais finir mes jours seule, avec 12 chats et je vais conter des jokes aux pigeons!
Q : Quand tu es humoriste, est-il préférable de sortir avec quelqu’un dans le même milieu ou est-il plus simple de fréquenter une personne qui n’est pas en humour?
Isabelle : Oui, peut-être… ou probablement pas, non! Sérieusement, je n’en ai aucune idée! L’important, c’est juste de trouver quelqu’un qu’on aime, qui nous aime et qui a envie de faire un bout de chemin avec nous… Le reste, on s’en fout, non?
Silvi : Oh… ça, ça dépend vraiment du gars et de la fille. Moi, j’ai un chum dans le milieu et j’adore ça!!! On se motive, on brainstorm à deux, on va faire des shows ensemble. C’est cool en maudit! On comprend vraiment les hauts et les bas du milieu et les moments de stress. Mais je crois aussi qu’il est possible d’avoir une belle relation de couple avec quelqu’un qui n’est pas dans le milieu. Ça prend juste quelqu’un avec une ouverture d’esprit. Une personne qui arrive à comprendre et à accepter le pour et le contre de notre métier. Et tu vois Maude, tu es la preuve vivante que c’est possible!
Q : Est-ce qu’une fille sur scène a le droit de tout dire comme un homme? Y a-t-il des sujets plus difficiles à aborder?
Mélanie : Il n’y a pas de sujets plus masculins ou féminins. Selon moi, l’humour n’a pas et ne doit pas avoir de sexe! Ça n’a pas d’importance que l’on soit un homme ou une femme. Que l’on soit petit, gros, immigrant, anxieux, frustré… Peu importe! Il faut simplement être conscient de ce que nous sommes. Il faut comprendre son casting et être cohérent avec notre personnage de scène. Bref, une fois qu’on a compris et accepté notre « clown », on peut aborder n’importe quel sujet!
Q : Est-ce que les filles ont des loges différentes de celles des gars en humour?
Annie : Les filles n’ont pas de loges différentes de celles des gars. Mais on apporte clairement plus de cossins! On sent meilleur, mais c’est à peu près tout. Qu’on me passe une bière!
Q : Est-ce que c’est vrai que les filles parlent toujours des mêmes sujets? Qu’on radote toujours à propos de notre corps, des gars et de notre peur de vieillir, etc.?
Korine : C’est la perception de plusieurs, et ce, autant par le public que par les médias. De nombreux hommes parlent de leur relation amoureuse, de leurs enfants, du fait qu’ils vieillissent… Comme certaines filles le font aussi. C’est juste qu’à la quantité de femmes que le public connaît, c’est plus facile de dire : « elles le font toutes »! Personnellement, je parle très rarement de ces types de sujets. Souvent, les gens me disent : « Tu ne parles pas de sujets de filles. » Je comprends ce qu’ils veulent dire, mais je n’aime pas le côté péjoratif qu’on accorde à « sujets de filles ». Moi, je parle juste de sujets. De sujets humains. C’est peut-être moi qui ai une belle naïveté, mais j’aime bien me faire croire que tout le monde est égal!
Q : Est-ce qu’on en demande plus aux filles dans le milieu de humour? Est-ce qu’on sent que la barre est plus haute parce qu’on est une fille?
Silvi : Ce n’est pas que la barre est plus haute, mais comme on n’est pas beaucoup comparativement aux hommes, si dans une soirée d’humour, il y a une fille et quatre gars sur le show et que cette fille « se plante » ou n’est pas dans ton type d’humour… il y a des gens assez épais qui peuvent faire l’équation « qu’une fille, c’est pas drôle ». Par contre, si un de ces gars-là se plante, ça ne donne pas du tout le même résultat. On généralise totalement moins pour un homme. Personne ne va se dire : « Un gars, c’est pas drôle! » Ils vont définitivement plus dire : « Ah! ce gars-là , je l’ai moins aimé. »
Q : Est-ce que les filles sont plus compétitives entre elles puisqu’elles sont moins nombreuses dans le milieu?
Cathleen : La « compétitivité » est une affaire de personnalité. Certaines filles le sont, d’autres non. Comme les gars, d’ailleurs. Moi, je le suis vraiment beaucoup. Quand je vois une fille monter sur scène, je lui crie qu’elle est laide et je crache dessus. Bien sûr, tout ça en me pognant la poche et en faisant une vidange d’huile à un tank! Mais plus sérieusement, je pense que si t’es drôle et que tu travailles avec acharnement, tu vas faire ton chemin dans le milieu no matter what. Que tu sois un gars ou une fille. Parce que le PREMIER critère, en humour… ben, c’est l’humour!