Football : Interdire le contact avant 14 ans, décision réfléchie ou tentative de dénaturer le sport?
Auteur: Marc-Alexandre PietteAu fil de mes conversations sur le sujet, je tente d’en apprendre davantage sur les argumentaires et motivations des camps qui s’opposent. Le football est un sport de fous! Les jeunes ne devraient pas pouvoir y jouer! Leurs parents sont des irresponsables! Puis : le football est un sport comme les autres! On protège trop nos jeunes, génération toutou-doudou!
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À la suite des frasques de Football Québec à l’émission Enquête de Radio-Canada (n’oublions pas que ce ne sont sûrement pas les meilleurs moments qui y ont été retenus, je l’espère en tout cas), la commission scolaire de Sherbrooke a décidé d’emboîter le pas et d’interdire le contact aux moins de 14 ans, c’est donc dire aux niveaux mini–football et benjamin.
La polarisation qui s’en est suivie est tout à fait exceptionnelle… et ce, sur plusieurs plans!
Avant que l’on en discute, j’ai une petite anecdote à vous raconter.
En fin de semaine, j’étais, comme possiblement bon nombre d’entre vous, avec des amis assis bien confortablement devant la grand-messe du football américain, le Super Bowl. Puis, le sujet est arrivé…
Ami : « Moi, mes enfants, y vont jouer au football contact, pis jeunes! Je veux qu’ils soient bons et qu’ils se développent dans ce sport-là! »
Moi : « Ouais, moi aussi, j’aimerais ça qu’ils soient bons… »
Ami : « Non, mais t’es pas d’accord que ça n’a pas de bon sens que d’interdire le football contact avant 14 ans? Les jeunes vont arriver à 14 ans dans les grosses ligues et vont se faire démolir! »
Moi : « Je sais pas… »
Ami : « Ben là, dis-moi pas que tu veux pas qu’ils jouent au football? »
Moi : « Ben non! Je serais très heureux que mes enfants jouent au football s’ils le veulent! »
Ami : « … »
Moi : « En fait, j’ai plus l’impression que si mes enfants jouaient au football trop jeunes et qu’ils se font mal, qu’ils aient peur de continuer à pratiquer ce sport-là. Quand ils sont petits, essaye donc de leur expliquer no pain, no gain… »
Ami : « Oui, j’avoue »
Bon, avant que nous paraissions être tous les deux de futurs pères contrôlants qui veulent réussir dans la carrière sportive de leur gars, lisez ce qui suit.
Le football est un sport de contact. Il y a du contact dans ce sport, il y en a toujours eu et il continuera d'y en avoir. Pourquoi est-ce qu’on s’acharne sur le football quand on parle de commotions cérébrales? J’ai commencé à y jouer avant 14 ans et avec contacts, et je ne pense pas que je suis un légume aujourd’hui. Pourtant, je ne suis qu’un exemple parmi tous ceux qui pratiquent ce sport ou qui l’ont pratiqué!
La raison est fort simple… La société évolue. Et comme toute bonne chose qui évolue, nos connaissances sur le monde qui nous entoure se développent et s’améliorent sans cesse. Qu’en était-il de nos connaissances sur les traumatismes crâniens il y a 15 ans? Elles étaient de loin inférieures à ce que nous sommes en mesure d’en conclure aujourd’hui, qu'il soit question des symptômes, de la prise en charge médicale et des effets à long terme. Il faut donc, évidemment, adapter les politiques du sport en conséquence et ne pas faire l’autruche.
Mais il ne faut pas non plus mettre tout le monde dans le même panier! Il existe beaucoup de programmes de football au Québec qui ont des protocoles établis en cas de doute sur les commotions cérébrales, et ça, peu importe l’âge. Beaucoup de parents de jeunes qui ont joué pourront vous le dire, les organisations ont souvent un partenariat stratégique avec une clinique de médecine sportive. Ce n’est donc pas parce que Football Québec ne contrôle pas les cas de commotions cérébrales que les jeunes sont en danger partout sur le réseau! Épargnez-moi cette réflexion s’il vous plaît!
Et parlant de réflexion, le sujet m’a fait me questionner sur les types de personnes qui s’expriment sur le sujet. J’ai remarqué deux camps qui me font grincer des dents : les old–school et ceux qui se demandent pourquoi il y a 12 gars qui se chicanent pour un ballon sur le terrain.
Les old–school, ce sont ceux qui pensent que dans leur temps, tout était mieux. Que tout le monde était tough et que si t’as peur de te blesser, et ben sors pas de chez vous. Même si ma pensée rejoint parfois quelques-uns de leurs arguments, on doit faire preuve de discernement sur la situation actuelle des choses.
1 : Nos connaissances sur le sujet nous permettent de conclure, grâce à des cas réels, que de protéger les jeunes athlètes est un impératif.
2 : Le football est un sport de contact, les chances de commotions cérébrales sont donc pas mal plus élevées que de débouler les escaliers de chez vous version Ken Pereira 2.0.
3 : Ça ne fera pas en sorte que nos jeunes vont jouer à la « tag » dans quelques années… Le football est là pour rester, à moins que nous fassions l’autruche et qu’une série de poursuites ne vienne s’en prendre aux fondations du sport amateur.
Et puis, il y a ceux qui voudraient donner un ballon à chaque joueur sur le terrain afin d’éviter qu’ils se chicanent tous pour un seul morceau de cuir… Ceux qui traitent les parents des jeunes footballeurs d’irresponsables. Ceux qui disent que c’est un sport barbare fait pour planter tout le monde, mais qui n’ont jamais assisté à une seule partie de leur vie… Vous voyez le genre?
C’est là que j’ai plus de misère. Le football est un sport de contact, oui. Il y a des risques de blessures, oui. Mais devons-nous décourager nos jeunes de pratiquer quelconque activité sportive afin de les protéger? J’en connais une activité encore plus dangereuse pour nos jeunes : ne rien faire… ne pas se développer, stagner! Les coups qui font mal, même les blessures à certains égards, font partie de l’apprentissage. Bref, renseigne-toi sur le sujet avant de me recracher ce que tu as lu dans le Journal de Montréal, ton roman matinal.
Je généralise dans les deux cas, je le sais et ne le prenez pas personnel. J’aime caricaturer ces deux groupes qui vous rappelleront probablement des gens de votre entourage!
En somme, la décision du CSRS n’a pas fini de faire jaser, mais laissons-lui une chance. D’ici quelques saisons, nous serons en mesure d’évaluer si cette solution est viable ou non. Saluons plutôt l’initiative en lui souhaitant des retombées positives pour tous! Une chose est cependant certaine, le statu quo n'est pas une option pour Football Québec.
N'oubliez pas une chose, la décision de la CSRS se fait avant même que le groupe mandaté de se pencher sur le sujet par le gouvernement n'ait eu le temps de faire quelconque recommandation que ce soit. De plus, cette décision ne touchera que de façon locale les équipes de football, c'est à dire environ sept équipes sur les centaines que nous avons au Québec. À la lumière des recommandations gouvernementales, la CSRS ne ferme probablement pas la porte à un éventuel retour en arrière!
Il faut également pondérer le fait que de nombreux programmes, suite à l'augmentation exponentielle du nombre d'équipes de football au fil des années 2000, peinent à survivre aujourd'hui, alors qu'ils doivent maintenant se tourner au football 8 contre 8 pour ne pas fermer. Si le fait d'enlever le contact dénature le sport, jouer à 8 contre 8 l'est tout autant!
Mais si c’était bon pour le développement du sport? En ce sens que des jeunes qui ne voulaient pas pratiquer ce sport par peur que ça fasse trop mal décident désormais de l’essayer, d’y goûter, de prendre la piqûre de ce sport? De sortir de chez eux et d’arrêter d’avoir peur au conditionnel, avant de comprendre que se « battre » dans la vie fait mal. Puis, plus tard, que c’est un combat perpétuel, une quête pour toujours devenir meilleur!
Le fait de l'essayer à petite échelle pourra nous en dire plus pour la suite des choses. C'est déjà mieux que d'appliquer ce changement drastiquement à l'ensemble du réseau!