Aller au contenu

Gestion d'un deuil aviaire

Auteur: P.A. Normand
Partagez : facebook icon twitter icon
Gestion d’un deuil aviaire

Pour faire une histoire courte, ma collègue Cynthia, avec qui j’anime l’émission C’est l’fun de bonne heure (du lundi au vendredi dès 5 h 30 sur NRJ 98,9 Québec), déteste au plus haut point les oiseaux. À vrai dire, elle a une peur démesurée des perruches… Parce que c’est bien connu, ces oiseaux de proie picorent les têtes et crèvent les yeux de tous ceux et celles qui osent s’approcher un peu trop près de leur plumage! Alors en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, le bon collègue que je suis imagina le succès radiophonique que créerait la présentation de sa toute nouvelle acquisition à son équipe. Après tout, si on associe le geste à une bonne cause, elle ne pouvait absolument pas refuser de relever le défi; celui de prendre une perruche sur son doigt, en direct, dans le but d’amasser des fonds pour Opération Enfant Soleil. Un projet venait de naître. Un projet qui, finalement, allait s’avérer être davantage un défi pour ma propre personne.

Je me doutais bien qu’en lui donnant un nom, qu’en permettant à notre fille d’écouter un film bras dessus bras dessous avec la cage et qu’en la faisant dormir dans sa chambre pour la seule et unique nuit qu’elle devait passer parmi nous, Mia était là pour rester. Une fois la tempête passée dans le discours de ma blonde qui se résumait à « Je le savais! Eh que je le savais », on appelait finalement l’animalerie pour leur annoncer l’adoption.

On n’a pas manqué de se moquer quand je disais avoir consulté un vétérinaire (pour la modique somme de 75 $) pour une simple visite de routine, quand je lui préparais avec attention de bons petits plats comprenant les quatre groupes alimentaires ou quand je consultais toutes les vidéos que YouTube pouvait publier sur « comment bien vivre avec son oiseau ». Mais j’étais bien décidé à leur montrer que mon animal de compagnie allait être plus qu’une vulgaire perruche. Tant qu’à y être, aussi bien s’investir à fond.

Deux mois plus tard seulement :

« Papa, Mia n’a pas beaucoup bougé depuis ce matin. J’essaie de la prendre et elle tombe sur le côté. »

Sur la table de la cuisine, on installe une salle d’urgence de fortune. Lampe pour la réchauffer et débarbouillette. Ma fille à son chevet, réconfortante, trop adulte. Seul, mon petit plat de plastique troué en mains, je me suis rendu à la clinique, comme si la vie de mon propre enfant en dépendait. La pédale au fond, je lui répétais de tenir bon, pour finalement constater son inévitable décès une fois sur place. Mort de cause inexpliquée, comme il arrive apparemment très souvent pour ce genre de petit animal. Je désire d’ailleurs remercier le personnel de la clinique qui, devant mon état démesurément instable, m’a permis de conserver toute ma dignité en m’offrant un moment de recueillement. Et comme tout bon mâle viril aurait réagi dans une telle situation, je me suis effondré en larmes comme un gros bébé. Ne me posez pas la question, j’ignore totalement pourquoi je me suis senti autant dévasté par la perte de ce qui avait été, au commencement, une simple blague pour une collègue.

Et c’est sur fond de musique triste que j’ai remonté le chemin vers la maison en me demandant comment j'allais bien pouvoir expliquer la mort à ma fille âgée d’à peine cinq ans. Dans un élan digne des Oscars, j’ai passé le pas de la porte d’entrée les mains vides, en faisant un signe de tête de « malheureusement c’est fini » à ma blonde. Ma fille a accouru vers moi pleine d’espoir avec son air de « pis est-ce qu’elle est guérie? ». C’est alors que je me suis lancé dans un « Tu sais des fois la vie… », trémolo en prime. Ma fille tentait de me réconforter en me frottant le bras.

S’en est suivie une cérémonie protocolaire dans la cour. Armés d’une pelle ronde et d’un Tupperware en guise de tombeau, on lui a offert l’endroit de son dernier repos, en famille. Ma fille n’avait toujours pas versé une seule larme. Je me suis donc dédié pour lui rappeler que son oiseau ne reviendrait plus JAMAIS. Qu’il était MORT. Parti pour le paradis des petits oiseaux gentils… Quand même! Déclic d’un énorme sanglot qui ne pouvait se calmer que par un cornet de crème glacée deux boules. Enfin, je pouvais jouer mon rôle réconfortant de père.

Vous croyez que cette histoire a une fin? Un jour, je vous raconterai comment une perruche peut se transformer en chien…

Plus de contenu