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Ok, je sais qu’il nous faisait rire dans des mises en situation exagérées et très burlesques, mais lorsque tu as six ans, rien n’y paraît! Quand tu as six ans et encore très peu d’entourage dans ton existence, tu apprends très vite à te familiariser avec les personnages de la télévision. Ce n’est pas pour rien que notre génération adore autant les téléréalités!
Bref, en 1981, mon père venait de quitter ma mère et je passais beaucoup de temps chez mes grands-parents. Comme il n’y avait pas d’Internet à l’époque, je n’ai pas eu beaucoup de nouvelles de mon père. Il est parti pendant dix ans avec sa nouvelle amoureuse sans trop donner de nouvelles… Quelques cadeaux à l’occasion, sans visite, ni contact! Il avait peut-être honte de lui, de moi, je ne sais pas. Comme à la commission Charbonneau, je ne me posais pas trop de questions, probablement par peur d’être déçu de la réponse. D’être déçu de mon père… le vrai! Parce que virtuellement, il y avait Théo Théoret, l’homme à tout faire de la série Les Brillants. Dans ma tête, c’était lui mon père. Il représentait ce que je désirais comme père : un gars léger, un peu maladroit mais toujours drôle! Un gars comme moi! Comme je le suis encore aujourd’hui…
J’ai appris à le connaître grâce à ses apparitions à la télévision. Je connaissais ses amis, ses confrères et consoeurs de travail. Il était mon idole, je voulais être Gilles Latulippe. Plus tard, j’ai entendu la cassette The Disque de Rock et Belles Oreilles… j’avais maintenant cinq nouveaux papas dans ma vie. Plus jeunes, plus drôles, plus caustiques… j’aimais ça! J’ai donc laissé aller Gilles graduellement. Je lui ai donné le droit d’être le « papa » de quelqu’un d’autre. Moi, j’avais 12 ans et je « trippais » sur RBO et les Pierrafeu le midi à TQS…
Je m'en rappelle comme si c’était hier. Lorsque la cloche de ma polyvalente sonnait dans mon Port-Cartier natal, j’avais dix minutes! Dix minutes pour me rendre chez mes grands-parents qui habitaient à vingt minutes de l’école. Pas besoin de vous dire que j’étais plus en forme que Ben Johnson à cette époque… et Dieu sait que ce dernier était tout un athlète pour un monsieur qui pissait bleu! Donc, je partais toujours de l’école à 11 h 45, j’arrivais toujours à 11 h 52… 11 h 55 lorsque je suivais la jolie Kathy avec ses jeans blancs très moulants. Mais j’étais dans les temps… Juste à temps pour prendre mon assiette et manger devant la télévision.
Au retour du dîner, on se racontait les meilleures blagues de Fred Caillou qu’on venait d'entendre. Et on riait encore. C’était notre « pinotte » à nous, j’imagine! Et quelques minutes avant d’entrer en classe, il arrivait de nulle part, presque en retard… le célèbre Emmanuel Lavoie et sa blague du midi! Toujours drôle, toujours unique! Sa blague arrivait du ciel et elle nous faisait rire dans la file pour notre entrée en enfer… Maudit qu’il était drôle ce Manu! Il devait avoir un livre de blagues chez lui, c’est certain! Il disait que non, mais personne ne le croyait!
Plusieurs midis plus tard, je suis arrivé chez moi et mon grand-père ma annoncé deux mauvaises nouvelles… Premièrement, la belle Kathy avait déménagé dans un village à cinq heures de chez moi, et ensuite, le canal TQS était en panne! Je vous le jure, j’ai pleuré… mais je ne vous dis pas pour quelle raison! Peut-être parce qu’il y avait des cigares aux chou au dîner. J’ai donc décidé de jeûner devant la télévision avec mes grands-parents. Eux, ils écoutaient Les démons du midi avec ce bon vieux Gilles Latulippe que je n’avais pas vu depuis longtemps. À un certain moment, Gilles se retrouva avec Suzanne Lapointe et lui raconta des blagues et des anecdotes… Suzanne riait comme une folle en prenant bien soin de mettre sa main devant sa bouche pour ne pas perdre son dentier! Un bon moment de télévision, mais rien pour me faire oublier mes Pierrafeu. Je suis parti rapidement pour l’école; j’avais besoin de ma dose de « Manu »!
Comme à son habitude, il est arrivé le dernier. Il s’est approché de nous et… a raconté toutes les blagues que Gilles Latulippe avait contées lors de son émission du midi! Intégralement! Et comme personne de notre âge n’écoutait Les démons du midi, tout le monde croyait que c’étaient des blagues originales, des blagues venant de lui… Moi, je le savais! Je n’ai rien dit à personne. Pourquoi? Parce que Manu faisait du bien à tout le monde depuis si longtemps avec ses blagues et surtout, parce qu’il avait aussi adopté Gilles Latulippe en tant que père virtuel. De mon côté, j’ai adopté Manu comme mon meilleur ami… 28 ans plus tard, nous sommes toujours amis et nous avons conservé notre sens de l’humour de l’époque!
Merci Gilles pour ces rires et ces belles rencontres que tu as créées tout autour de toi durant ton existence. Je te promets que j’irai te visiter lorsque je passerai à Montréal. On écoutera cette bonne vieille cassette de RBO ensemble…