Au début de notre conversation téléphonique, je le sentais impatient d’en finir. Ses réponses étaient courtes et sèches. Allais-je vivre le cauchemar de tout intervieweur? Puis, comme un muscle qui se réchauffe, peu à peu, ses réponses ont pris du poids. Comme vous allez lire, Hugo Girard n’est pas fort que des bras.
Couronné l’homme le plus fort du monde en 2002, avec près de dix ans de recul, comment se sent-il de ne plus l’être? « On est un homme fort ou on ne l’est pas! Les titres ne font pas de toi un homme fort. C’est sûr qu’au début de ma carrière, quand j’étais jeune, je ne voyais pas nécessairement les choses de cette façon, mais en vieillissant, lorsque la maturité s’installe, tu comprends un peu mieux les implications et obligations qui viennent avec un tel titre. Je ne fais plus de compétition et ç’a été un choc d’arrêter, mais j’ai été champion du monde et, lorsque tu le deviens, tu l’es pour le reste de ta vie dans les livres. En plus, les gens te le rappellent tout le temps.»
Ces derniers temps, on a beaucoup parlé de dopage dans le sport. Croit-il que le phénomène est en croissance? « C’est vrai. On en a parlé dans le baseball, dans le cyclisme et aussi le football. Le dopage s’est étendu bien au-delà des sports de forces et d’entraînement. Il y a de plus en plus de mesures pour l’enrayer. L’étau se resserre, mais si on en est rendu-là , c’est que c’est devenu un problème de société. Tant qu’il aura des bourses et des classements, des gens tenteront, par tous les moyens, d’améliorer leurs performances. Les tricheurs trouveront toujours des moyens de tricher. C’est là pour rester! »
Que répond-il à ceux qui disent qu’il en a sûrement pris? « J’ai commencé à m’entraîner à l’âge de 12 ans et, à 18, je pesais 300 lb. Je ne peux empêcher les gens de le penser, je répondrai simplement que je suis capable de me regarder dans le miroir. »
J’en ai des plus gros que toi
Lorsque je lui demande si l’égo de l’homme fort est de la même taille que ses biceps, il me répond : « Non, ça n’a rien avoir, mais ça tout avoir avec la taille des ambitions. La force réelle d’un individu ne se mesure pas par la dimension de ses bras, mais plutôt par sa force mentale. »
Quand j’entre dans le sujet des hommes forts qui sont capables de montrer leurs émotions ou leur vulnérabilité sans perdre la face et leur réputation, je sens que j’entre dans une zone peu visitée. « Les gens ont des images préconçues de ce qu’est un homme fort. Ils pensent qu’ils n’ont pas le droit d’exprimer des émotions. Nous en avons, c’est juste qu’on les vit de façons différentes. Pour moi, l’entraînement est une façon d’extérioriser et d’exprimer mes émotions, au même titre qu’un chanteur le ferait avec ses chansons. Ça passe par l’entrainement et la force. Ensuite, quand j’ai besoin de me défouler ou me détendre, j’écoute de la musique, j’adore la musique. Ça me permet de m’évader un peu et de me sentir un peu plus normal. »
Difficile de passer inaperçu
Parlons-en de la normalité. À 6 pieds 2 pouces (1 m 88) 330 lb (150 kilos), un cou de 21 pouces (53 cm) et des biceps de 22 pouces (55 cm), se sent-il hors-normes? « Je ne me vois pas comme quelqu’un de hors-norme, mais souvent, je me sens ainsi. Quand vient le temps de t’asseoir dans ton véhicule ou de te choisir des vêtements, ça te rattrape. Parce que tu es plus grand et plus gros, tout ce que tu fais est amplifié. En plus, quand tu as une certaine notoriété, les gens te regardent davantage. Avant, quand j’étais jeune, ces mêmes regards que j’ai d’aujourd’hui étaient moins valorisants. »
Lorsque l’on a les dimensions qu’il a, l’un des grands problèmes ce n’est pas que de les garder, mais aussi de les habiller. « Tout ce que je porte, ou presque, doit être fait sur mesure. Heureusement, maintenant il existe des magasins pour grandes tailles, mais tout ce que j’achète doit être modifié; pantalons, chemises, vestons, etc. »
Les gars sont-ils tombés dans le panneau?
Le culte du corps parfait a longtemps été l’objectif à atteindre des femmes et, maintenant, cette tendance s’est étendue aux hommes. Les hommes sont-ils tombés dans le même panneau que les femmes? « L’important, c’est d’être bien dans sa peau. Certains font de l’embonpoint et sont heureux. C’est très personnel. Les femmes sont tombées dans le panneau parce que la mode leur a mis des pressions. Quant aux hommes, ils sont en train de se féminiser. Dans les écoles, il y a de moins en moins de professeurs hommes et il y a beaucoup plus de femmes dans des positions d’autorité. Cela amène une plus grande influence de la femme. Peut-on se surprendre que les hommes changent? Quand s’est rendu que tu fais des changements physiques pour la mode plutôt que pour ta santé, ça soulève des questions. Ça remet en cause nos valeurs. »
Question en bas de la ceinture…
Je me sens sur une lancée. Je risque la dernière… On a toujours l’impression, sûrement à cause des vêtements moulants, que le muscle le moins développé chez l’homme fort est celui qu’il a dans son pantalon. Est-ce que c’est un mythe, une réalité ou une illusion d’optique? « Moi, je suis très à l’aise avec ce que j’ai. (Rires) Pour certaines personnes, le mythe s’avère être réel et pour d’autres, c’est le contraire. Ce sera aux personnes concernées de le découvrir. » (Rires)
Hugo Girard est le porte-parole des magasins BMR. Il est conférencier et organise des démonstrations de force. Il est également propriétaire de la gamme de suppléments alimentaires XPN (Xtreme Performance Nutrition).
Si vous voulez réagir à cette entrevue, n’hésitez à m’écrire, je vous répondrai. Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à la partager sur vos pages Facebook et Twitter.
Crédit Photo : Marc-Antoine Jean