La Belle mort
La Belle mort est l’une des toutes premières oeuvres du jeune auteur Mathieu Bablet… et ça en dit déjà long sur son immense talent.
S’unir pour survivre
Après avoir joué un peu avec nous lors du prologue, le bédéiste nous invite à suivre les aventures du trio composé du leader Wayne, de l’impulsif Soham et du sensible Jérémiah. Ces trois hommes sont, semble-t-il, les derniers humains vivants de la Terre. Notre planète a été dévastée par une race d’insectes géants, dont on ne connaît que très peu de choses.
Mathieu Bablet entretient le mystère sur ceux-ci, si bien qu’il faut attendre à environ la moitié de l’album pour établir le premier contact. C’est aussi à partir de ce moment que l'histoire prend une autre tangente. Si les premiers chapitres sont consacrés à l’aspect « survie », les derniers chapitres, eux, tombent dans l’action et même le fantastique.
Avec ses 140 pages, La Belle mort se lit presque comme un roman. Le rythme est beaucoup plus lent que ce à quoi on est habitué dans le monde du 9e art. L’auteur prend son temps pour mettre en place des personnages complexes. Il s’attarde également beaucoup sur les liens qui les unissent, car ce n’est pas toujours la lune de miel entre les trois. Chacun a ses petits secrets.
La bande évolue dans une ville abandonnée, dans un univers post-apocalyptique. Cette métropole – probablement américaine – est par ailleurs presque un personnage en soi. À la fois précis, immensément détaillé et très poétique, le dessin force l’admiration. On peut se perdre de longues minutes à contempler une case et à s’imprégner de cette ambiance particulière. On a quasiment l’impression de faire partie de l’aventure et d’être réellement sur le terrain avec les protagonistes.
Le jeune auteur possède également un sens très cinématographique du découpage. Il maîtrise très bien les angles et les plans, tellement en fait que l’on pourrait aisément transposer son oeuvre au grand écran!
Le dessin est d’ailleurs en parfaite harmonie avec le scénario. Le récit, bien qu’il soit sérieux (l’auteur nous réserve tout de même une ou deux blagues assez cyniques), est vraiment captivant. On s’attache assez tôt à ce sympathique groupe, même si on se doute que ce qui les attend au bout du tunnel n’a rien de joyeux. La fin est peut-être inéluctable, mais elle n’en demeure pas moins l’une des plus bouleversantes que j’ai lues ces derniers mois.
Verdict
Avec La Belle mort, Mathieu Bablet accomplit ce que peu d’auteurs sont capables de faire. En effet, grâce à un dessin somptueux et à un scénario solide, il arrive à nous transporter littéralement dans son monde et à nous donner profondément envie d’y croire. Bref, voilà un jeune auteur prodigieux qu’il faudra suivre de près dans les prochaines années.
Cote : 5 étoiles sur 5
Adrastée tome 1 et tome 2
Ce mois-ci, j’ai aussi eu l’occasion de découvrir une autre oeuvre du talentueux Mathieu Bablet : Adrastée. Dans cette nouvelle série, cette fois-ci découpée en deux tomes de 80 pages, le jeune bédéiste y a abandonné le monde post-apocalyptique de La Belle mort et y a préféré celui de l’Antiquité. Malgré ce changement d’époque, il y signe, encore une fois, une oeuvre majestueuse.
Un ancien roi immortel a passé 1000 ans à méditer sur son trône de pierre. Tous ses proches et son peuple sont morts depuis bien longtemps. Il décide finalement de sortir de sa torpeur et d’aller rencontrer ceux qui pourraient enfin répondre à ses questions : les dieux de l’Olympe. En effet, même s’il vit depuis plus d’un millénaire, il ne sait toujours pas pourquoi il a reçu le don (ou la malédiction) de l’immortalité. Pourquoi a-t-il été choisi?
Sa quête ne sera pas de tout repos. Il va croiser des créatures légendaires comme une sphinge malicieuse ou encore le redoutable géant de bronze Talos. Mais ce sont surtout les humains – en particulier une reine infertile – qui lui donneront le plus de fil à retordre. Tous voudront lui voler son pouvoir afin de battre leurs ennemis.
Même si les Éditions Ankama ont décidé de publier cette aventure en deux tomes, Adrastée se lit à mon avis comme un tout. De toute façon, une fois que l’on a commencé notre lecture, il est difficile d’arrêter. On dévore les deux tomes à la vitesse de l’éclair, puis on y revient pour contempler des détails que l’on avait pas vus ici et là.
Bablet soigne beaucoup ses dessins et, comme dans La Belle mort, il ne lésine pas sur les détails, même les plus petits et insignifiants. Bien que les environnements n’aient plus rien à voir avec la ville post-apocalyptique de son oeuvre précédente, ils sont, une fois de plus, d’une grande beauté. Véritable maître des couleurs, Bablet arrive sans difficulté à mettre en place une atmosphère, voire à donner aux environnements tout simplement une émotion, comme s’il s’agissait d’un personnage à part entière.
Il faut dire qu’Adrastée fait encore plus dans l’introspection. Le héros fait le point sur sa vie, se remet en question et tente de se rappeler ses proches disparus. Il se pose des questions sur la vie et surtout sur la mort. Un lien unique se crée entre lui et son environnement.
Depuis La Belle mort, les traits des personnages se sont affinés. Bablet conserve son style, mais en même temps, il semble plus sûr de lui. La représentation qu’il fait des créatures mythologiques et des dieux est de toute beauté.
Verdict
Plus philosophique et introspective que La Belle mort, Adrastée n'en demeure pas moins une oeuvre magnifique qui plaira sans aucun doute à tous les amateurs de bandes dessinées.
Adrastée – Tome 1
Ankama Éditions
4 étoiles sur 5
Adrastée – Tome 2
Ankama Éditions
4,5 étoiles sur 5