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La bigorexie est souvent décrite comme étant un désir compulsif de faire du conditionnement physique mais cet élément ne représente en réalité qu’un côté de la médaille et il faut bien comprendre toutes les facettes de cette maladie pour en reconnaître tous les signes et symptômes. Il ne faut en effet pas oublier que la personne anorexique aussi aura un désir compulsif de faire de l’exercice physique sauf qu’elle le fera dans le but de maigrir et non de prendre de la masse musculaire. C’est donc plus la stratégie utilisée, dont entre autre le type d’entraînement, qui différera entre les deux. L’anorexique sera ainsi tentée de faire beaucoup d’exercice cardiovasculaire pour perdre du poids tandis que le bigorexique fera beaucoup plus de musculation et ira peut-être jusqu’à éviter totalement l’exercice cardiovasculaire car pour lui il représente justement un obstacle à sa prise de poids. Il est donc plus représentatif de dire que les personnes souffrant de ce problème ont l’impression d’être toujours trop petits et feront tout ce qu’ils jugent nécessaire pour augmenter leur volume musculaire. Elles auront ainsi non seulement un goût insatiable pour la musculation mais aussi pour la nourriture, les suppléments alimentaires et malheureusement… les drogues.
Par exemple, si on prend l’aspect nutritionnel de la bigorexie, on remarque que celle-ci est étroitement liée à l’orthorexie qui se traduit par le désir de vouloir « trop bien manger ». Cet autre trouble, spécifiquement centré sur l’alimentation, sera caractérisé par une fixation sur la nourriture (qualité, quantité) et le rejet systématique des aliments perçus comme malsains. Préparer et transporter sa propre nourriture partout où on met les pieds est une pratique justifiable lorsqu’on fait de la compétition ou que l’on souffre d’une condition physique particulière. Toutefois, si ce n’est pas le cas on doit plutôt penser à un trouble psychologique. Ce comportement conduit d’ailleurs souvent soit à l’isolement social ou inversement au regroupement sectaire.
Il est généralement accepté que la bigorexie, qui soit dit en passant est un trouble de santé mentale reconnue par l'OMS, apparaît vers l’âge de 19 ans mais la situation a tellement évolué ces dernières années que le phénomène intéresse de plus en plus les psychiatres. On observe effectivement que l'obsession du corps parfait est non seulement de plus en plus omniprésente mais qu’elle apparaît de plus en plus tôt à l’adolescence. Ce décalage particulier entre la réalité et la perception de son propre corps touche bien entendu plus les hommes que les femmes car le caractère androgène de l’homme le pousse beaucoup plus à vouloir devenir plus gros et plus fort que plus petit et fragile.
Curieusement, ce trouble n’est pas aussi publicisé que l’anorexie, comme si on s’en faisait moins pour les hommes que pour les femmes. Il est vrai que les hommes éprouvent parfois plus de difficulté à avouer leurs faiblesses, qu’ils parlent beaucoup moins de leurs problèmes et qu’ils ont moins tendance à reconnaître qu’ils peuvent en avoir un et qu’ils ont peut-être besoin d’aide (demander de l’aide est souvent perçu par un homme comme une faiblesse ou un échec).
Pourtant, dans les centres de conditionnement physique, nous constatons bien une augmentation significative du taux de fréquentation et surtout d’utilisation de produits dopants. J’ai d’ailleurs écrit sur ce fléau auquel nous faisons maintenant face dans mon article intitulé « les anabolisants, un problème plus inquiétant qu’on le pense ».
Et pour expliquer cette hausse soudaine, il faut prendre en considération le fait que les jeunes prennent exemple sur les modèles qu’on leur présentent et que ces dernières années nous avons assisté à un retour en force des films d’action avec des hommes affichant un corps anormalement musclé et découpé. Il est donc logique que les jeunes se créent alors une idée illusoire de ce qu’est le corps parfait de l’homme viril et invincible et feront tout pour le posséder. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que cette image n’est justement qu’une représentation symbolique et que pour arriver à projeter cette image les acteurs ont recours à des mesures drastiques, dont l’entraînement excessif et l’usage d’anabolisants, qu’ils ne les prennent que pour une courte période de temps (car il est inhumain de maintenir cette cadence à long terme) et qu’ils sont payés des millions de dollars pour le faire. En d’autres mots, en plus d’être suivis par une quantité innombrable de professionnels ils sont également « dédommagés » monétairement pour les sacrifices qu’ils ont acceptés de faire et le stress qu’ils ont fait subir à leur corps. Bref, c’est leur métier! Le problème c’est qu’ils n’acceptent pas de jouer l’intégralité de leur rôle et nient leur part de responsabilité en réfutant l’usage de substances illégales, une information importante que devrait connaître le public. J’ai abordé cette problématique dans mon article intitulé « drogues et anabolisants un peu d’honnêteté s’il-vous-plaît ». Je trouve important de soulever cette partie de la problématique car on fait très peu mention de l’usage des drogues dans les textes traitant de bigorexie et c’est pourtant l’avenue la plus pratiquée en ce moment et surtout la plus dangereuse pour la santé!
Les personnes bigorexiques consacrent démesurément de temps, d’argent et d’énergie à l’atteinte d’un idéal qu’ils n’atteindront finalement jamais car ils ne seront rarement satisfaits de leurs résultats. Ils délaisseront ainsi certains intérêts qui les caractérisaient et mettront incessamment de côté les activités qu’ils avaient l’habitude de faire avec la famille, les amis ou encore au travail. La bigorexie a des répercussions sur toutes les sphères de la vie d’une personne, malheureusement souvent à son insu, et est souvent accompagnée de ruptures amoureuses ou de difficultés à trouver ou garder un emploi. La bigorexie influencera aussi la vie affective de l’homme en lui donnant l'impression qu’il est nécessaire d’utiliser et de modeler son corps pour séduire les femmes et susciter l’attention ou l’admiration de ses pairs masculins (recherche d’approbation ou d’acceptation).
Vous remarquerez souvent chez ces hommes une faible estime de soi qu’ils tenteront de compenser soudainement par une attitude démesurée de confiance. En effet leur enthousiasme s’exprimera vivement par une fierté excessive de ce qu’ils sont et ce qu’ils font. Se percevant ainsi performants et en parfaite santé physique, il sera tout à fait cohérent de constater qu’ils n’auront aucune raison de croire qu’ils ont un problème en encore moins qu’ils devraient envisager de consulter.
Comme pour les autres troubles de santé tels que l'anorexie ou la boulimie, je pense qu’il est aussi important pour les professionnels œuvrant dans le domaine de la santé et de l’entraînement que pour les gens en général de connaître et d’être en mesure de reconnaître les signes et symptômes de la bigorexie. L'empathie, la communication et une approche non provocatrice devraient être particulièrement privilégiées et faire intervenir une personne qui est passée par ce même chemin (et qui a fait une prise de conscience beaucoup plus tard) est aussi un bon moyen d’aborder la problématique avec la personne concernée.
Évidemment comme dans tout trouble psychologique il y a plusieurs niveaux à la bigorexie. Ainsi, si :
Vous êtes obsédé par votre poids et êtes le genre à monter sur la balance chaque fois que vous allez au gym…
Vous ne pouvez vous empêcher de vous regarder dans le miroir et de vous comparer à votre « idole » ou vos compagnons d’entraînement…
Vous éprouvez le sentiment constant d'être trop petit ou trop maigre malgré une musculature bien développée…
Vous éprouvez le désir incessant et obsessionnel de modifier votre apparence corporelle par l'entraînement la nutrition…
Vous observez des rituels et des règles anormalement rigides d’hygiène de vie et éprouvez un sentiment intense de culpabilité si vous n'observez pas les règles draconiennes ou n’atteignez pas les objectifs journaliers que vous vous imposez…
Vous sacrifiez vos activités habituelles de loisir ou de détente pour cumuler plus d’heures d'entraînement alors que vous n’avez pas comme objectif de faire de la compétition…
Vous ressentez des signes d’épuisement ou de surentraînement ou même observez l’occurrence anormale de symptômes chroniques (tendinites, raideurs, etc) mais faites volontairement abstraction de vos besoins accrus de récupération au lieu de les considérer comme un signal…
Vous remarquez des changements sur votre humeur, votre vie affective ou sociale mais refusez d’écouter les conseils de vos proches relativement à cette problématique…
Vous ressentez de la culpabilité et de l’anxiété lorsque vous êtes contraints d’altérer ou de diminuer la cadence et l’intense de vos entraînements…
Vous consommez des quantités substantielles de suppléments alimentaires ou faites usage de produits dopants (anabolisants) sans avoir comme objectif de faire une compétition…
…il se peut même fort bien que vous souffriez à un certain degré de bigorexie. L’important est que vous en preniez conscience et d’agir conséquemment pour votre bien ou celui d’un d’une personne que vous croyez reconnaître.
Il faut aussi considérer que viser l’excellence lorsqu’on pratique un sport de haut niveau ou que c’est notre métier, c’est tout aussi élogieux que défendable. Et encore là, je crois sincèrement que l’option de préserver sa santé par une approche judicieuse et réfléchie est toujours à portée de main. Malgré le fait que je pratique le sport (la culture physique) qui soit probablement considéré comme étant le plus « anti-santé » de la planète depuis maintenant plus de 20 ans, je n’ai jamais cru que la quantité (en terme de volume musculaire) pouvait l’emporter sur la qualité et je n’ai jamais accepté que mon succès en tant qu’athlète soit accompli au détriment de ma santé. Cela ne faisait pas plus de sens dans mon esprit de passer une quantité futile d’heures dans la salle d’entraînement que de faire usage de produits dopants et cela ne m’a pourtant pas empêcher de remporter plusieurs titres nationaux ni même de me classer au niveau mondial.
Ce qui caractérise les personnes qui souffrent de bigorexie c’est qu’ils ne réalisent pas les dangers auxquels ils s’exposent (ex : drogues) pour satisfaire leur besoin de devenir plus gros. Ce besoin n’est par ailleurs jamais comblé car à leurs yeux ce n’est jamais assez et c’est là que le problème prend toute son ampleur car ils courent après un bonheur inatteignable et sont prisonniers d’une roue sans fin… du moins jusqu’à ce que le corps ne puisse plus suivre. On remarque d’ailleurs chez ces hommes l’incapacité infantile de se projeter dans l’avenir et d’agir en pleine conscience des répercussions futures de leurs actes. Ces personnes ne le font même pas dans le but de participer à un concours de culture physique. Nous sommes même ici très loin des valeurs originelles d’esthétisme de cette discipline. N’essayez même pas de leur dire que ce ne sont pas « beaux ». S’ils ont accepté de se transformer en véritables « pharmacies ambulantes », ils prendront même certainement un malin plaisir à savoir qu’on les qualifie de freaks (phénomènes de foire). Ils n'ont pas encore réalisé que pour maintenir ce type physique, ils devront inévitablement prendre des drogues pour le reste de votre vie. Ils n'ont pas encore non plus réalisé que d’avoir les plus gros muscles en ville ne rendra ni eux ni leur entourage plus heureux. Ils réaliseront peut-être cependant qu'ils seront de plus en plus dépressifs à mesure qu'ils se buteront à la dure réalité…
Comme je le dis souvent dans mes cours et mes séminaires; le conditionnement physique devrait toujours avoir comme fin ultime d’améliorer ou du moins de prendre en considération sa santé, jamais de la détériorer! La relation entre la santé physique et psychologique étant très étroite, on peut facilement comprendre comment le déséquilibre de l’un peut entraîner celui de l’autre et pourquoi la recherche de l’idéal doit considérer les deux… d’où le proverbe; un esprit sain dans un corps sain.
Si tout cela pique votre curiosité, je vous suggère fortement la lecture de mes articles : la vérité sur l’entraînement… pure et dure, pour se rendre à la bonne destination ça prend un plan, prendre du négatif pour en faire du positif et d’où vient cette fascination pour le culturisme.
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