L’été tire à sa fin et, pour les parents, c’est la très attendue mais complexe rentrée scolaire qui bat son plein. Pour les enfants, c’est l’excitation de retrouver les amis mêlée à l’anxiété de changer de classe, de prof ou même d’école qui nourrit leur quotidien. Mais la réalité du monde scolaire n’était pas la même, si on remonte seulement à une cinquantaine d’années au Québec, pour la population rurale. Vos parents ou grands-parents auront probablement connu un autre type d’établissement d’enseignement qui fait aujourd’hui figure de mythe : les écoles de rang. Mettez-vous en rang en silence! On va entrer dans la classe d’une école de rang.
L’éducation au Québec
Pendant le Régime français, il n’y a pas, à proprement parler, de système d’éducation pour l’enseignement destiné aux enfants. Ce sont les communautés religieuses qui assument cette charge avec des résultats divers, et la Conquête, en 1763, empirera la situation. Il faudra attendre le début du XIXe siècle pour que des lois établissant dans la colonie des écoles gratuites soient instaurées, mais comme ces écoles « royales » se retrouvaient surtout en milieu anglophone, la majorité francophone en a boudé la fréquentation. En 1829, une loi visant à encourager les études primaires chez les jeunes détermine que l’unité de base de l’organisation scolaire sera la paroisse et des écoles dans chaque rang dispenseront l’éducation aux jeunes. L’école de rang était née!
Au début, l’édifice où se réunissaient les élèves n’avait d’école que le nom. Des bâtiments de toutes dimensions et de qualités variables étaient utilisés, les habitants ruraux n’ayant pas tous les mêmes moyens. Mais le fait que le gouvernement subventionne la construction des écoles et paie le salaire des maîtres d’école donne une impulsion au réseau des écoles de rang. Ainsi, on passe de 325 écoles pour 11 679 enfants en 1829 à 1216 écoles pour 41 821 enfants en 1831! Puis, en 1845, ce sont les commissions scolaires qui assument la gestion des écoles.
L’école de rang
Le bâtiment, souvent douteux et peu propice à l’enseignement, dut faire place, à partir des années 1880, à des édifices ayant un minimum de normes. Aussi, le gouvernement fournit des plans pour la construction des écoles qui devaient accueillir une trentaine d’élèves, de la 1re à la 7e année. Ceux-ci devaient avoir des cours de français, d’arithmétique, d’histoire, de géographie, de religion, de bienséance, de dessin et de chant. La base, quoi! À quoi ressemblait en gros une école de rang? Généralement construite en bois, d’une dimension de 7 m sur 10 m, elle devait avoir plusieurs fenêtres pour l’éclairage, une « shed à bois » et une « bécosse » attenantes à l’école. Quand on entrait dans l’école, au rez-de-chaussée, on se trouvait d’abord dans le « tambour » qui servait de vestiaire. Puis, on arrivait à la classe unique où étaient vissées au plancher trois rangées de quatre pupitres à deux places. L’étage du haut servait d’appartement à la maîtresse d’école. Pour le chauffage, il y a avait un poêle à bois, dont la responsabilité à entretenir le feu incombait à un élève.
La personne la plus respectée dans le village après le curé, le maire et le commissaire d’école était bien sûr l’institutrice. Comme elle n’était souvent guère plus âgée que ses élèves et célibataire en plus, les convenances exigeaient d’elle qu’elle soit rigide en discipline et qu’elle ne reçoive pas de garçons en dehors des heures de cours. Pensez à Émilie Bordeleau dans les Filles de Caleb!
Les jeunes devaient parfois marcher de longues distances, chaudières en main, pour aller à l’école du rang. On appelait « chaudière » l’ancêtre du sac à lunch, car c’était souvent une ancienne boîte de graisse à cuisson ou de beurre d’arachide dans laquelle les étudiants mettaient leur lunch. Ma mère me contait qu’elle et ses frères et sÅ“urs devaient faire un mille et demi (près de trois kilomètres) à pied, beau temps ou mauvais temps, pour se rendre à l’école dans un rang de Brompton, dans les Cantons-de-l’Est. Dire que nos jeunes se plaignent que l’autobus est loin… à trois coins de rue! Elle racontait aussi que mon grand-père, lorsque le temps était à la tempête l’hiver, attelait le cheval à la sleigh pour le fumier, enlevait le fumier et mettait de la paille dans le fond, puis allait chercher les jeunes du rang au complet pour leur donner un lift sécuritaire. Est-ce qu’on peut dire que c’était l’ancien temps? Je pense que oui (s’cuse maman!).
La fin d’une époque
L’école que je viens de vous décrire ne remonte pas à si loin. Jusqu’en 1960, on a retrouvé ces écoles un peu partout dans la campagne québécoise. La Révolution tranquille est venue mettre un terme à ce temps en modernisant le système d’éducation de la province. Le transport scolaire en autobus vers l’école du village signifia la fermeture des écoles de rang qui furent converties en résidences ou tout simplement détruites ou abandonnées. Ceux qui ont connu cette époque vous en parleront avec sourire et amusement en se remémorant les plus drôles épisodes du temps, mais gageons qu’à l’époque, ce ne devait pas être tous les jours le party pour les jeunes lorsque s’annonçait la rentrée.
Liens :
http://townshipsheritage.com/fr/attraction/ecoles-de-rang-des-cantons-de-lest
http://www.erudit.org/culture/cd1035538/cd1042789/8105ac.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_rang