Puisqu'il est le plus jeune du club, Alex Galchenyuk a été le premier à passer. Je ne pensais jamais avoir autant d'effet sur lui. Ses yeux étaient grands comme des 2 $ et il ne voulait pas lâcher la main du préposé à l'équipement pour venir me voir. Ce dernier a dû l'asseoir lui-même sur mes genoux.
Moi : Ho! Ho! Ho! Comment tu t'appelles, mon grand garçon?
Alex : … (Il regarde dans le vide, la mine basse, l'air gêné.)
Moi : N'aie pas peur, j'te mangerai pas!
Alex : Alex
Moi : … Quoi?
Alex : … Alex Galchenuyk
Moi : Ah! mon p'tit Alex. Qu'est-ce que tu veux pour Noël?
Alex : … sais pas.
Moi : Vas-y, il doit bien y avoir quelque chose que tu veux et que mes lutins peuvent te fabriquer?
Alex : … sais pas.
Moi : Que dirais-tu d'un…
Je n'ai pas pu finir ma phrase. À ce moment, Alex a tendu les bras vers le préposé à l'équipement, mais ce dernier lui faisait signe de rester et de sourire pour la photo. C'est alors qu'il s'est mis à pleurer. J'avais beau essayer de le consoler, mais chaque fois que je lui touchais le dos, il criait encore plus fort. Alors que la morve lui coulait sous le nez et qu'il avait la face toute rouge, on a dû laisser faire pour la photo.
Un peu plus tard, après que P.K. Subban m'a dit tout ce qu'il voulait pour Noël, tout en sautillant sur mes genoux et en me faisant des câlins pendant 15 minutes, ce fut au tour de Ryan White. Sûr de lui, il s'avance et s'assoit sur mes genoux en me défiant du regard avec l'air d'un p'tit maudit baveux de 4e année qui va essayer de te faire perdre patience.
Moi : Ho! Ho! Ho! Et toi, comment tu t'appel…
Ryan : Ryan. Toi, père Noël, c'tu ton vrai nom?
Moi : Euh… ben non, en fait mon vrai nom, c'est Saint-Nicolas.
Ryan : Tu t'appelles Saint? Ouin, tu te prends pas pour un 7 up flat!
Moi : … Dis-moi Ryan, qu'est-ce que tu veux pour Noël?
Moi : T'en as déjà une.
Ryan : Ouin pis? J'en veux une autre! Quoi, tu penses que tes lutins sont pas capables? Au fait, combien y gagnent de l'heure?
Moi : Ah, mais tu sais mon p'tit Ryan, mes lutins travaillent gratuitement pour que tous les enfants du monde puissent avoir un cadeau le 25 décembre!
Ryan : Tu parles de tes lutins ou des enfants qui travaillent dans les shop en Asie? Une maudite chance que la FTQ se rend pas au pôle Nord, hein? Quand est-ce que tu passes à la Commission des normes du travail?
Moi : Bon, regarde mon p'tit Ryan. Là, père Noël est un peu tanné de…
Ryan : (Tirant ma barbe en me pétant l'élastique dans face.) C'est même pas ta vraie barbe! Ah, pis ton suit sent la boule à mite!
Moi : … Prends c'te canne de bonbon-là pis déc*lice.
Le dernier à venir s'asseoir sur mes genoux a été Brandon Prust. Il était resté en arrière tout ce temps et ne semblait pas trop avoir de plaisir. Je croyais qu'il hésitait à venir me voir pour ne pas ternir son image de dur à cuire. Maintenant que nous n'étions que lui et moi, il allait venir me voir avec le sourire. J'avais tout faux.
Moi : Ho! Ho! Ho! Comment tu t'appelles toi, mon garçon?
Brandon : Quoi, tu te souviens pas?
Moi : Ah! ben tu sais, je vois tellement d'enfants que c'est normal que…
À ce moment, Brandon me « pogne » par le cou et me plaque sur le mur. J'essaie de me déprendre, mais l'homme est trop fort pour moi. D'un bras, il me lève d'un pied au-dessus du sol.
Moi : (La face comprimée sur le logo du CH peint sur le béton, je tente de répondre.) Grandon! Glon nom fhégh Glerdan!
Brandon : Je vais te rafraîchir la mémoire. Noël 1991. Tu m'as apporté des gants de boxe même si je t'avais spécifié dans ma lettre que je voulais un kit de chimie. Je te l'avais écrit en rouge avec des flèches pis je l'avais même entouré en plus.
Je lui fais un signe comme quoi je ne peux plus respirer. Il relâche un peu la pression, alors que j'en profite pour reprendre un peu de couleur.
Moi : Écoute Brandon, je ne sais pas de quoi tu parles. J'suis pas le vrai père Noël, j'suis juste un gars déguisé qui voulait faire un article original pour son magazine Web, rien de plus!
Brandon : « J'suis pas le vrai père Noël », ben oui, facile à dire à c't'heure que t'as peur, hein?
Moi : Je te le jure, Bran…
Brandon : TA BOÎTE! Moi, je voulais devenir biochimiste pis découvrir de nouvelles molécules pour guérir le cancer, pas devenir un batailleur pis péter des yeules dans la LNH! T'as ruiné ma vie! Je t'en ai toujours voulu. Chaque fois que je frappe un adversaire, c'est toi que je frappe! Pis là, je t'ai dans la face pis j'ai le goût comme jamais de t'en sacrer une!
Il prend son élan. Je ferme les yeux. Ma vie défile devant moi. Une seconde. Deux. Trois. Rien. J'ouvre les yeux. Brandon me regarde encore avec un regard menaçant, mais je vois des larmes apparaître dans ses yeux. Il finit par lâcher prise, puis il me prend dans ses bras en pleurant doucement.
Brandon : Je te déteste, mais je suis incapable de te faire du mal. Pourquoi?
Moi : … Ça doit être ça, la magie de Noël.