Après qu’il ait sorti, en 2012 et en 2014, les deux tomes de Moi, René Tardi, prisonnier au Stalag II B, on pensait que le bédéiste français n’aborderait plus la Grande Guerre. C’était mal le connaitre! Avec Le Dernier Assaut, sa dernière bande dessinée parue chez Casterman, il signe l’une de ses meilleures œuvres sur ce premier véritable conflit mondial.
Dans Le Dernier Assaut, nous suivons le brancardier Augustin. Le grand gaillard vient d’étouffer le blessé qu’il transportait sur sa civière pour éviter que ses gémissements n’alertent les Allemands. En errant entre les tranchées, il va être hanté par ce geste qui lui a pourtant permis de rester en vie.
Son vagabondage va lui permettre de faire des rencontres qui lui rappelleront l’inutilité de cette guerre qui a déjà tant fait couler de sang. Par exemple, en croisant un bataillon de soldats britanniques composé d’hommes plus petits que la moyenne, il va trouver affreux qu’on leur demande de respecter les mêmes exigences en matière de travaux que des soldats plus grands, tandis qu’en faisant la connaissance de soldats venus tout droit d’Afrique, il va avoir honte que la France les utilise comme simple chair à canon.
Augustin a en fait un regard très critique sur le conflit dans lequel il prend part. Particulièrement cynique, il ne croit pas du tout au patriotisme. Pour lui, tout ceci n’est que de la poudre aux yeux pour encourager les jeunes hommes à aller mourir dans des tranchées sales et puantes.
On aura compris qu’en mettant en scène un personnage qui n’a pas la langue dans sa poche comme Augustin, Tardi ne fait pas les choses à moitié. Mais est-ce qu’on n’aurait pu s’attendre à autre chose de la part du grand bédéiste? Lui seul est capable de décrire la Première Guerre mondiale avec autant de virulence et de mordant.
Les soldats mis en scène ne sont pas des héros. Ce sont juste des gars ordinaires forcés de combattre et de mourir pour un dirigeant qui se fout complètement d’eux.
Même si Tardi assure ne pas avoir fait cet album pour célébrer le 100e anniversaire de la Grande Guerre, son album demeure un document essentiel pour voir ce conflit d’un autre œil.
Visuellement, Tardi se focalise d'ailleurs sur l’horreur de la guerre. Sans être inutilement violent, son dessin ne fait pas dans la dentelle. On nous montre les tranchées sous leur pire jour avec tout ce que cela implique : du sang, des morts, de la chair en putréfaction, etc. La guerre n'aura jamais été aussi laide!
En complément de l’album, on retrouve un CD du groupe Accordzéâm. Le texte des chansons est signé par Dominique Grange et Tardi lui-même et fait référence à plusieurs passages de la bande dessinée. J’avoue humblement que je ne connaissais pas ce groupe avant l’écoute du CD. Force est d’admettre qu’il a fait de l’excellent travail. Les chansons, pour la plupart très belles, s’accordent bien avec l’album. Elles aident à mieux mettre en contexte certaines scènes du livre.
Verdict
Pour cet ultime album sur la Première Guerre mondiale, Tardi s’est surpassé. Loin des clichés, Le dernier assaut est une bande dessinée à la fois puissante et sensible qui nous rappelle que la guerre, ça n’a rien de glorieux.
Cote : 4,25 étoiles sur 5.