Premièrement, il faut comprendre que les abdominaux ne fonctionnent pas de façon isolée, mais en groupe et ont comme rôle de faire le transfert entre le bas et le haut de votre corps. Pour cette raison, il faut d’abord et avant tout apprendre à les recruter efficacement dans leur ensemble et à intégrer le concept de « gainage » dans vos exercices. Beaucoup de gens ont le réflexe de comprimer leur ventre lorsqu’ils font des crunchs (ou enroulements vertébraux). Non seulement cette façon de faire ne travaille pas les abdominaux de façon fonctionnelle, mais elle a aussi comme conséquence de comprimer les structures internes, ce qui peut amener d’autres complications. Cette erreur est en partie compréhensible, car en musculation on cherche généralement à contracter le muscle au maximum afin de le sentir bien engorgé. Il en est par contre tout autrement des abdominaux qui ont un rôle bien différent. Un autre phénomène qui explique cette mauvaise conception du travail abdominal est justement le mot « crunch » lui-même qui porte à confusion. Il fut grandement popularisé par ces innombrables gadgets publicisés à la télévision, et qui perpétuent cette image où on tente de travailler les abdominaux comme les autres groupes musculaires du corps. Tentez de visualiser que vous tirez vos abdominaux vers l’intérieur, comme les cordages d’un corset qui se resserrent. C’est alors que le muscle transverse, qui a comme action de serrer l’abdomen en diminuant le diamètre du ventre, se joindra au travail des autres muscles abdominaux pour gainer efficacement. Ce principe est extrêmement important, car c’est ce gainage qui stabilise votre tronc et vous empêche de vous faire ces entorses et ces hernies discales! Un bon signe de gainage est si votre ventre est bien plat et rétracté vers l’intérieur lorsque vous faites vos exercices au lieu d’être protubérant et poussé vers l’extérieur.
Si les abdominaux agissent en tant que gaine, il faut bien que ces derniers s’appuient sur quelque chose de solide; en l’occurrence une poutre (la colonne) tenue par des cordages (les muscles spinaux). Les muscles qui longent la colonne ont, en effet, eux aussi un rôle très important à jouer dans la stabilité du tronc. Ces derniers doivent entre autres permettre autant la mobilité que la rigidité selon les besoins de la situation. À titre d’exemple, il faut de la mobilité pour pouvoir nager avec fluidité, alors qu’il faut de la stabilité pour pouvoir soulever une charge lourde sans se blesser. C’est pourquoi vous devriez encore une fois vous concentrer sur le contrôle des mouvements que vous exécutez et y aller lentement avec des exercices tant proprioceptifs (comme faire le dos de chat) que de poutre composite (comme faire des planches isométriques). Certains exercices requièrent donc plus d’accent sur l’exécution d’un mouvement, tandis que d’autres requièrent plus d’attention sur le maintien d’une posture. Quoi qu’il en soit, le développement du senti des différents segments du corps dans l’espace est ici d’une importance capitale.
L’enroulement vertébral
Lorsque vous décidez de travailler en mobilité, prenez le temps d’enrouler et de dérouler vos vertèbres une par une et d’être conscient de chaque étape du mouvement. Prenez aussi soin de bien couvrir l’amplitude fonctionnelle de l’exercice en question. Beaucoup de gens font l’erreur de tenter de se lever au lieu de mobiliser avec précision la colonne vertébrale. Vous devez également retrouver la lordose lombaire avant d’amorcer une nouvelle répétition pour préserver une certaine mobilité fonctionnelle.
Faites particulièrement attention aux mouvements en oblique lorsque vous faites vos abdominaux. À ce sujet, il est important de savoir que la mobilité de la colonne en rotation est limitée au thorax et que la région lombaire (bas du dos) tourne à peine. C’est d’ailleurs de cette façon que beaucoup de gens se font des entorses ou des hernies, en forçant un mouvement en rotation à un endroit où il ne devrait pas y en avoir. Il faut encore une fois porter une attention particulière au positionnement et à l’exécution, car beaucoup de gens trichent en exécutant une flexion de côté ou un mixte de mouvements imprécis, voire jusqu’à tricher avec les coudes et les jambes. Rappelez-vous que la colonne fonctionne dans un ensemble et qu’elle ne bouge jamais à un seul endroit pour exécuter une tâche. Il faut donc voir le mouvement comme une succession de petits mouvements multi-étagée.
Les fameuses poignées d’amour
Encore une fois, les gens pensent à tort que de faire des mouvements latéraux fera fondre le gras qui s’est logé sur les côtés du ventre. Non seulement c’est faux mais de plus, si votre objectif est de perdre de la taille, vous vous nuisez plus qu’autre chose, car si vous développez vos obliques avec des exercices spécifiques, vous gagnerez en fait du tour de taille à mesure que le muscle prendra de l’expansion. Par ailleurs, le gras latéral est beaucoup plus en lien avec l’alimentation et l’insuline, et la majorité des gens n’exécute même pas le mouvement correctement, ce qui peut en plus aggraver une lésion préexistante, comme une hernie. Laissez donc de côté les exercices de flexion latérale avec poids ou câble et investissez plutôt votre temps dans des exercices proprioceptifs ou de stabilisation, en plus de travailler sur le vrai problème, votre alimentation!
S’il faut faire attention aux rotations au niveau lombaire, c’est aussi vrai pour les hyperextensions. Lorsque vous exécutez des exercices en mobilité pour les spinaux, prenez soin de contrôler non seulement votre mouvement mais faites aussi attention de ne pas aller trop loin en hyperlordose. Arrêtez simplement le mouvement lorsque vous sentez que vous retrouvez le creux habituel dans le bas de votre dos.
Ne forcez jamais un mouvement vertébral. Quand je vois ces gens qui s’empressent d’en finir avec leurs répétitions ou encore qui donnent des petits à -coups, j’ai presque mal pour leur corps. Ces derniers n’ont aucune idée des dommages qu’ils sont en train d’infliger à leurs structures. Je ne sais pas pourquoi, mais il semble que beaucoup pensent à tort que plus ils vont vite et plus les muscles aussi se développent vite. Je peux vous dire tout de suite qu’il n’y a pas de relation proportionnelle entre la vitesse d’exécution et les résultats, à moins que l’objectif soit de se rendre plus vite à l’hôpital ou en physiothérapie! Vous êtes normalement là pour vous faire du bien et non du mal, alors prenez votre temps et appliquez-vous.
La respiration prend une certaine importance dès que la cage thoracique est impliquée dans un exercice, et celle-ci doit être justement thoracique et non ventrale. Prenez une bonne inspiration lors de la phase excentrique de l’exercice et expirez progressivement à mesure que vous retournez à la position de départ, l’objectif étant toujours de vous vider complètement de votre air et de permettre aux côtes de bouger sans pousser le volume thoracique vers le bas, et comprimer le ventre et les organes. En fin de mouvement, le ventre devrait donc être plat et non « bloqué ». Restez un moment dans la position finale avant de repartir et profitez-en pour optimiser la contraction, sentir la tension musculaire et le gainage abdominal. Ne repartez que lorsque vous ressentez le besoin d’inspirer à nouveau. À ce sujet, beaucoup de gens ont un thorax rigide et ne respirent pas bien sans même le savoir. Si c’est votre cas, vous devrez prendre l’habitude de faire régulièrement des exercices d’étirement et peut-être de gymnastique respiratoire. Même les abdominaux et les spinaux peuvent parfois avoir besoin d’être étirés, car ceux-ci s’attachent en partie sur les côtes et peuvent vous empêcher de les ouvrir efficacement. Il se peut donc que vous ayez à étirer vos muscles en plus de les travailler en résistance.
Si vous avez bien compris ce que j’ai expliqué plus tôt sur l’importance du recrutement et du rôle stabilisateur des abdominaux, vous devriez maintenant savoir que tous ces gadgets qu’on voit partout à la télévision sont non seulement inutiles, mais ne vous aident vraiment pas à avoir de « meilleurs abdos ». En fait, à moins d’être un débutant sédentaire présentant un surpoids important et, par conséquent, se trouvant dans l’incapacité de faire correctement un mouvement d’enroulement vertébral, un appareil tel que le « Ab-Roller » est totalement inutile. C’est l’équivalent de marcher avec une béquille, alors que vous avez la capacité de vous déplacer vous-même.
Si les « ab-machines » sont inutiles, il en est tout autrement du ballon suisse qui lui s’avère être un outil très intéressant à avoir à portée de la main, par exemple à la maison. Ce dernier permet justement de stimuler votre stabilité et votre sens proprioceptif, en plus de travailler en grande amplitude. Il est également très pratique pour exécuter des étirements des muscles du tronc.
Je suggère rarement l’ajout de charges pour travailler les abdominaux et les spinaux. Rappelez-vous que ces derniers ont surtout un rôle de stabilisation et non de puissance ou de force. Je préfère augmenter la difficulté des exercices en ajoutant des composants ou en le rendant plus instable (par exemple avec le ballon) que de mettre du poids et risquer que le client se mette à se concentrer plus sur une quantité à soulever que sur la technique.
Si vous souffrez de troubles musculosquelettiques tels que l’hernie discale, l’entorse lombaire ou encore la sciatalgie, et que vous voulez améliorer votre condition par l’entraînement, il est encore plus important de choisir judicieusement ses exercices et de bien les exécuter. À ce titre, je vous suggère encore une fois de vous référer au livre Les exercices qui vous soignent chez les Éditions de L’Homme pour des exemples efficaces et sécuritaires d’exercices adaptés à votre condition.
Vous réalisez probablement en ce moment que plusieurs exercices que vous connaissez ne respectent pas les fonctions de base de la colonne vertébrale et qu’il faudra probablement du temps pour apprivoiser un mouvement et le perfectionner. Ce n’est pas parce qu’un exercice est complexe ou qu’il a l’air « spécial » qu’il est plus efficace qu’un autre plus simple. Au contraire, c’est souvent ceux-là qui exposent le système à de plus grandes contraintes articulaires et, par conséquent, à des risques de blessures. Rappelez-vous toujours que la qualité l’emporte sur la quantité, et particulièrement en ce qui concerne l’entraînement. À vous maintenant de vous appliquer et de parfaire votre technique. L’entraînement des muscles du tronc n’est pas une chose à prendre à la légère et l’amélioration de votre condition physique ne devrait jamais être poussée à l’extrême, surtout pas au détriment de votre santé.