Le verdict est finalement tombé dans le procès du cardiologue Guy Turcotte : non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux. À peine le verdict a-t-il été prononcé que la planète Web s’est enflammée. Beaucoup se sont dits surpris de ce dénouement, d’autres ont remis en question leur croyance en notre système de justice.
Pour ma part, je dois avouer que le verdict m’a surpris. Non qu’il m’était impossible de concevoir un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, mais bien parce que j’étais convaincu que dans un cas aussi médiatisé ayant directement atteint la sensibilité et les valeurs de la population, un verdict de meurtres au premier degré (meurtres prémédités) m’apparaissait plus probable. Comme me l’a un jour dit un professeur de droit et avocat de la défense reconnu, l’impartialité est une utopie en justice, quelque chose qu’on désire établir lors de procès, mais qui n’est aucunement compatible avec la nature humaine. La population est partiale, les avocats sont partiaux, les jurés sont partiaux et même les juges le sont. Le nier, c’est se mettre la tête dans le sable. Mais bon, cela pourrait faire l’objet d’un autre débat et d’un autre billet.
Cela étant dit, qu’on soit d’accord ou non avec le verdict rendu par les onze jurés, je crois qu’il importe d’expliquer ce qu’il implique. Contrairement à la croyance populaire, Guy Turcotte n’est pas un homme libre, loin de là . En fait, un individu reconnu non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux verra son sort être remis entre les mains de la Commission d’examen. Celle-ci devra prendre l’une des trois décisions suivantes : remettre l’individu en liberté inconditionnelle, le soumettre à une liberté conditionnelle avec des restrictions très claires ou bien le garder au sein d’un établissement psychiatrique.
Ainsi, oui, la Commission pourrait remettre en liberté Guy Turcotte inconditionnellement, mais elle pourrait aussi le garder détenu dans un établissement psychiatrique. Ce seront les analyses et les rapports d’experts qui guideront la décision de la Commission.
Croyez-moi, par expérience, une personne reconnue non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux peut demeurer très longtemps sous la Commission d’examen, aussi longtemps qu’elle représentera un danger pour la société ou pour elle-même. D’ailleurs, dans le cas du Dr Turcotte, je ne pense pas qu’il représente un danger pour la société, mais plutôt pour lui-même. Même si nous ne connaissons pas tous les détails de cette affaire et que nous pouvons encore moins interroger le cardiologue, je crois qu’il présente un haut risque suicidaire puisque non seulement a-t-il manifesté de la culpabilité par rapport à ses gestes, mais il semble encore avoir du mal à accepter l’échec de son mariage. De plus, son nom et son visage sont connus et il est assez intelligent pour savoir que sa vie ne sera plus jamais la même à partir de maintenant. Tous ces facteurs sont des éléments permettant de croire que Turcotte présente un haut risque pour lui-même. Tant que ce dernier ne sera écarté, je doute que le médecin le plus tristement connu du Québec recouvre une liberté totale.