Qui n’a pas connu un vieux « mononcle » toujours prêt à lever le coude en disant : « maudit que c’est méchant!… donne-moi z’en un autre » en faisant cul-sec avec un p’tit verre de « gros gin »? Mon beau-frère Clément et moi ne cessons de nous répéter, lorsqu’on se voit : « La pire des morts, c’est celle par la soif… ».
Les expressions liées aux boissons enivrantes sont légions et cela tient plus à notre bagage culturel collectif qu’à de réelles habitudes d’ivrognes. Dès les premiers temps de la colonie française au Canada, les colons ont apporté, dans leurs bagages, des boissons alcoolisées de leur mère patrie. Voyons ce qui se trouvait au fond des verres de nos ancêtres en Nouvelle-France. Vous constaterez qu’ils n’étaient pas en peine de ressources!
Lorsque les premiers Français sont venus s’établir au Canada à Port-Royal en Acadie en 1604, puis à Québec en 1608, ils avaient bien évidemment des rations d’alcool avec eux. Les longues traversées en bateau duraient plusieurs semaines, voire quelques mois, et l’eau à bord avait tendance à s’altérer et à devenir impropre à la consommation. Les boissons alcoolisées comblaient en partie cette lacune. Elles permettaient aussi aux passagers d’avoir accès à de précieuses vitamines et ainsi prévenir des maladies comme le scorbut.
Même sur la terre ferme, les colons arrivaient avec leurs habitudes de consommation toutes européennes et l’alcool en faisait partie. Comme ils ne produisaient pas eux-mêmes leurs boissons alcooliques, ils s’en remettaient entièrement à l’importation de produits de la France (bières, vins, eaux-de-vie), ce qui ne tarda pas à changer.
Ça « brasse » en Nouvelle-France!
Dans le premier quart du XVIIe siècle, les ressources pour se faire des boissons « réconfortantes » étaient bien maigres. Mais les colons ont eut recours à leur imagination et aux moyens du bord pour se faire de l’alcool. Le « bouillon » était une façon rapide et peu coûteuse de se faire un « p’tit boire ». Il s’agissait d’une boisson à base d’eau dans laquelle on faisait fermenter quelques jours une boule de pâte à base de levain. Toutefois, les besoins de la jeune colonie étaient plus grands.
Bien que l’histoire nous enseigne que la première brasserie en Nouvelle-France fut celle de l’intendant Jean Talon, entre 1668 et 1675, il semble que le premier producteur officiel de bière à Québec fut le cabaretier Jacques Boisdon (il porte bien son nom, n’est-ce pas?), qui aurait ouvert la première taverne du pays en 1648, il y a 364 ans! Mais comme les gens d’ici, en bons Français, n’étaient pas de gros buveurs de bière, la brasserie de Talon n’eut pas un grand succès.
De la variété à boire…
Étant d’origine française, la population de la colonie garda le goût pour le vin et l’eau-de-vie. Mais le vin était cher et surtout réservé au clergé et à l’élite. L’eau-de-vie, en revanche, se trouvait assez facilement. Quand on parle d’eau-de-vie, on parle de boissons fortes comme le cognac, l’armagnac et le calvados, qui étaient très populaires. Le rhum des Antilles a aussi eu la cote; on l’appelait tafia ou guildive. L’eau-de-vie était également utilisée comme fortifiant pour le corps ainsi que pour ses vertus antiseptiques. Il s’en buvait environ 20 litres par habitant en moyenne, ce qui correspond à une rasade par jour. On voit que cette habitude est tenace et encore répandue chez les personnes âgées.
Le pays a aussi inspiré les colons, ou habitants, dans l’élaboration de produits locaux alcoolisés. Une variété impressionnante de vins de fruits a vu le jour avec les fruits autochtones d’ici : vins de cerise, de bleuet, de topinambour, d’érable et je ne parle pas du cidre! Oui, nos ancêtres ont su produire des alcools originaux à saveur locale afin qu’aux jours de fête comme dans l’ordinaire, ils puissent lever leurs verres et le coude. Comme on le dit encore de nos jours : « Prendre un p’tit coup c’est agréable, prendre un p’tit coup c’est doux… ». Buvez prudemment!
Liens :
http://www.civilisations.ca/musee-virtuel-de-la-nouvelle-france/vie-quotidienne/alimentation/
http://anecdoteshistoriques.wordpress.com/2012/01/19/biere-et-bouillon-en-nouvelle-france-la-taverne-de-jacques-boisdon/