Aller au contenu
Prohibition et contrebande d’alcool au Québec

La tempérance

Ça ne prend pas la « tête à Papineau » pour savoir que l’alcool apporte son lot de problèmes dans la société : violence, criminalité, alcoolisme, coûts sociaux. C’était vrai aussi au XIXe siècle. C’est pourquoi on vit l’apparition de Ligues de tempérance, surtout chez les protestants et les mouvements féministes, où l’interdiction de la consommation d’alcool était prêchée comme remède aux problèmes causés par l’excès d’alcool. Parmi ces problèmes, il y avait la violence conjugale et la pauvreté des familles où le père engloutissait toutes les économies familiales. Ces mouvements prônaient la prohibition (interdiction totale) de l’alcool dans la société. Le mouvement était très populaire aux É.-U. et au Canada anglais, majoritairement protestant, mais moins au Québec, très catholique. Les catholiques croyaient que l’homme avait le libre arbitre sur son salut et pouvait à tout moment résister à l’alcool, alors que les protestants croyaient tous les hommes à la merci du péché (voire l’alcool).

La prohibition

L’idée de la prohibition fit son chemin et devint loi aux É.-U. en 1919, la vente d’alcool étant dès lors interdite dans le pays. Au Canada aussi de telles lois furent votées. Par contre, comme expliqué précédemment, le Québec jugea la mesure trop extrême et à la suite d'un référendum sur la question en 1919, on décida de tolérer la vente de bière, de vin et de cidre dans la belle province. Puis, la prohibition fut totalement abolie en 1921 au Québec, faisant de la province le seul endroit en Amérique du Nord où il n’y avait pas de prohibition! Cet état de fait n’allait pas être sans conséquences…

Contrebande et mafia

À partir du moment où l’alcool devient légal à nouveau au Québec, les Américains s’intéressent à ce produit qui circule tout de même clandestinement au pays de l’Oncle Sam. Approvisionner les tenanciers illégaux est une chose, mais produire l’alcool l’est tout autant. C’est pourquoi un marché fleurissant se développa au Québec pour fournir illégalement de l’alcool à la mafia et au crime organisé américain. On vit apparaître des spécialistes en production d’alcool, appelés bootleggers, qui fournissaient notamment de l’alcool frelaté (du fort) qui se vendait à fort prix justement. Le whisky canadien, le Saint-George et autres alcools frelatés devinrent très populaires chez nos voisins du sud. Les régions frontalières fourmillaient de tels bootleggers et les plus populaires furent Conrad Labelle (qui était le bras droit d’Al Capone au Québec!) et Alfred Lévesque. La criminalité et la violence qui l’entoure augmentèrent en flèche. Il y eut des meurtres reliés à la contrebande d’alcool dans la région de Coaticook. En 1928, le chef de police de Coaticook, John Boudreau, qui lutte ardemment contre les trafiquants, est assassiné! Les autorités canadiennes, américaines et québécoises durent mener une chaude lutte à ce commerce.

Kiosque de vente d'un bootlegger

La Police des liqueurs

Les années 20 virent la contrebande d’alcool prendre de l’expansion. Pour contrecarrer ce commerce si payant pour le crime organisé, le gouvernement mit en place une unité de police, spécialisée dans le domaine, en 1921. Ce corps de police relevait de la Commission des liqueurs qui contrôlait la mise en marché de l’alcool au Québec. On l’appellera d’ailleurs la Police des liqueurs. Formée sur le tas avec des anciens militaires de la Première Guerre mondiale et des policiers, l’escouade des liqueurs prend son envol. Son premier directeur est un héros de la Grande Guerre, Edmond de Bellefeuille Panet, qui rapidement inculque une discipline et une hiérarchie militaire au sein du groupe. Bien que la prohibition prit fin aux É.-U. en 1933, la Police des liqueurs continua son travail, jusqu'à devenir, avec la fusion d’autres corps de police provinciaux, la base de ce qu’est aujourd’hui la Sûreté du Québec.

Les legs de la prohibition

La période mouvementée de la prohibition a laissé aux Québécois deux grands legs : la Société des alcools du Québec (SAQ) et la Sûreté du Québec. Elle nous a laissé aussi un rapport avec l’alcool bien différent des autres provinces et États en Amérique du Nord. L’alcool ne fut pas démonisé comme ailleurs, mais mis sous contrôle de l’État. La prohibition a d’ailleurs amené plus de problèmes qu’elle n’en a résolus à mon avis. C’est aussi l’argument qu’utilisent les promoteurs de la légalisation de la marijuana… Mais c’est un autre débat.

Liens :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Prohibition

 http://www.sq.gouv.qc.ca/mission-et-services/historique-de-la-sq/cahiers-histoire/cahiers_histoire_vol3no1.pdf

Sources photos : charlieat.blogspot.com, www.prohibitionsutton.org, tests.saveur-whisky.com

Plus de contenu