Comme vous le savez peut-être, l’intimidation dans les écoles, et plus particulièrement la cyberintimidation, sont des sujets qui me passionnent. Je suis chanceux, on peut dire que le sujet est à la mode présentement. On en a entendu parler un peu partout dans les médias dans les dernières années. Ils couvrent les histoires d’horreur que certains jeunes vivent au quotidien, et il est fort agréable pour un travailleur social de voir que la société s’inquiète du sort de ces jeunes victimes. Je dois toutefois admettre qu’il y a un petit quelque chose qui m’agace dans la couverture de cette réalité. Le terme « intimidation » est utilisé à toutes les sauces, et en vient à désigner toute forme de violence à l’école. Qu’on me comprenne bien, je ne suis pas contre les actions qui visent à contrer la violence à l’école. J’aime cependant qu’on appelle une pomme une pomme, et je crois que le galvaudage du terme « intimidation » peut avoir un effet pervers.
Je m’explique : si un jeune passe dans un corridor et se fait bousculer par un élève plus vieux, nous ne sommes pas nécessairement en face d’une situation d’intimidation. D’ailleurs, pour l’instant, nous sommes très loin de pouvoir qualifier l’élève plus vieux d’intimidateur. Alors, comment identifier clairement l’intimidation par rapport aux autres situations violentes pouvant se produire à l’école? Tout d’abord, dans l’intimidation, il y a un rapport de pouvoir. En fait, quelqu’un a du pouvoir sur un autre, et il en abuse. On retrouve donc un agresseur qui profite de son pouvoir pour faire du mal à une victime. Ensuite, il faut que l’agresseur agisse volontairement et à répétition dans le but de faire du mal à cette victime en particulier. C’est ici, selon moi, que le conflit ou l’accrochage se distinguent de l’intimidation. L’agresseur désire prendre « contrôle » de la vie de la victime en répétant des actions qui retirent du pouvoir à la victime. L’intimidation ne se limite donc pas au simple conflit de corridor ni aux accrochages quotidiens qu’on retrouve dans la jungle scolaire! Il s’agit réellement d’une menace constante et volontaire que laisse planer une personne ou un groupe sur une autre.
Si je tiens tant à préciser la vraie nature de l’intimidation, ce n’est pas pour retirer de l’importance à ce problème, mais parce que je vois de plus en plus de personnes s’inquiéter lorsque leur enfant leur dit qu’il a été victime d’intimidation alors qu’un autre a ri de lui pour une raison anodine. La couverture médiatique rend le problème tellement grand et terrible qu’on dirait qu’aussitôt qu’on entend le mot « intimidation », on a l’impression que la personne vit quelque chose de terrible en permanence. D’un autre côté, il y a ceux qui sont tannés d’en entendre parler. Combien de fois ai-je entendu : « Il n’y a rien là . Il y en a toujours eu et il va toujours y en avoir. C’est normal, ce sont des jeunes! » L’intimidation et les autres formes de violence à l’école (et même dans les autres milieux…) sont quelque chose d’important et de grave. Il y a de réelles conséquences à prévoir tant pour la personne qui la vit que pour le milieu scolaire en entier. Mais est-il possible d’arrêter de crier au loup dès qu’un enfant revient de l’école avec une histoire de chicane entre amis?